Faire maigre ou honorer ses courbes
Lorsque j’ai laissé échapper que je me pesais chaque matin — nue, à jeun et en expirant — à une amie qui a fait son cours en nutrition, celle-ci m’a menacée de partir avec mon pèse-personne. Je sais, c’est malsain d’accorder autant d’importance à un chiffre. J’ai commencé lorsque j’étais en chimio, il y a dix ans. Je fondais. Sauf pour certains événements métaboliques incontrôlables, un mois de chimio (-5 kilos), divorce (-5 kilos), ménopause ( 5 kilos), sans parler de la grossesse ( 15 kilos) et de l’allaitement doublé d’une peine d’amour (-15 kilos), j’étais la stabilité même. Mais ces dernières années, soit je me suis pesée par peur de disparaître, soit par peur de prendre trop de place. Jamais correcte, au fond ; body shaming, comme ils disent.
Ça vient de très loin, cet assujettissement dont je commence tout juste à mesurer l’emprise. Je me rappelle avoir demandé un « régime » de l’hôpital où mon père travaillait à l’âge de six ans. Déjà, j’avais intégré les codes sociaux et la hantise des filles.
Mais dans les années 1970, le paysage corporel n’était pas le même qu’aujourd’hui. On comptait 14 % d’adultes obèses en 1978. Aujourd’hui, c’est un Québécois sur quatre. Le taux d’obésité pédiatrique a triplé en 30 ans, passé à un enfant sur dix. Et nous ne parlons même pas de surpoids. 40 % des adultes de 18 à 74 ans au Québec présentent un tour de taille considéré comme étant à risque par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
La progression mondiale ne peut être attribuée qu’à la génétique, aux jeans qui rétrécissent ou au vieillissement de la population. Je lisais l’autre jour une entrevue que donnait le cardiologue Martin Juneau à Hélène David dans La Presse. Près de 40 ans de prise de parole publique et des grenailles accordées à la prévention en santé publique, son constat est cinglant : « Ça n’a pas donné grand-chose. » Le médecin, qui s’intéresse à l’alimentation comme facteur de santé globale, m’avait déjà glissé en entrevue : « Mes patients véganes, je ne les revois plus. » Et non, ils ne sont pas morts.
Selon le Dr Juneau — auteur de l’ouvrage Un coeur pour la vie —, l’épidémie d’obésité chez les jeunes Occidentaux va engendrer de sérieux problèmes de santé dans un système qui craque déjà de partout. Il n’est pas le seul médecin à s’en inquiéter. Je suis une adepte du Dr........
© Le Devoir
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