40 ans, un jour à la fois
Permettez que je soulève un peu des neiges folles du passé et que je remue la soupane des souvenirs. Aujourd’hui, il y a 40 ans, le 9 février 1984, je signais dans Le Devoir mon premier texte, une critique du restaurant L’Actuel, défunt bistro de moules et frites de la rue Peel. J’avais 20 ans et j’étais inscrite en première année de journalisme à l’UQAM.
Avant l’université, j’avais été traiteure durant deux ans, experte en pâte à choux et en tartelettes, entre le cégep et « mon avenir ». J’étais encore jeune et je ne savais pas ce que je voulais faire de ma vie. Quarante ans plus tard, c’est un peu la même chose. Sauf que…
Je suis devenue la doyenne du journal. Pas en âge, mais en années d’électron libre, si. Tous mes collègues sont arrivés après. Je ne suis « qu’une » pigiste, mais comme les punaises de lit ou Louise Deschâtelets, je m’accroche.
Au total, j’ai vu passer : trois salles de rédaction, cinq directeurs, un directeur de l’info avec qui je me suis mariée en 1988 (ça a tenu 11 mois…), un commis qui a mal tourné (passé chez la concurrence) et avec qui j’ai fait un enfant après qu’on se fut croisés à New York en septembre 2001 lors des fameux attentats. On peut dire que Le Devoir m’aura fourni matière à aimer ce que dois et à faire… mon possible.
C’est une langue bien difficile que le français. À peine écrit-on depuis quarante-cinq ans qu’on commence à s’en apercevoir.
Mon premier texte « à vie » — cette critique resto — fut écrit au verso d’un napperon du bar où je travaillais comme serveuse, l’ancien Faubourg Saint-Denis de la rue Émery, à un jet de pierre de l’UQAM. Ce soir-là, Daniel, le barman, s’est payé ma gueule : la p’tite avait des idées de grandeur. Jean-François Lacerte, mon complice de classe, commis au Devoir, m’avait appelée en urgence à 17 h : « Tu dois livrer ton texte demain ! » Bienvenue dans la vie d’un quotidien. J’ai tapé mon premier article sur une vieille dactylo du pavillon Judith-Jasmin. Si........
© Le Devoir
visit website