Le fou de l’île
Au milieu des années 1970, l’écologiste Henri Jacob parcourt en canot les rivières de son coin de pays d’Abitibi. Dans les alentours de Val-d’Or, en naviguant sur les rivières, il apprend le sens de l’eau. Le canot est une leçon d’équilibre qui lui a bien servi. Avec Geneviève Béland, il publie cette semaine La dernière si on la perd, un nouveau livre préfacé par son vieil ami Richard Desjardins. Est-ce en raison de la métaphore guerrière de ce titre qu’il s’est mis à me parler de suite d’un vétéran qu’il avait connu ?
Sur la rivière Piché, il tombe un jour, en pagayant, sur un camp planté sur une petite île. Un homme vit là. Il s’appelle Gérard Carignan. Il a fait la guerre, depuis le débarquement de Normandie jusqu’à l’Allemagne en 1945. Les deux hommes, malgré leur différence d’âge, se lient d’amitié. « C’était un peu comme le fou du village. Le fou de l’île, si on veut. Le monde allait le voir. »
En 1944, Gérard Carignan appartient au Régiment de la Chaudière, aux gars des Chauds. Le matricule D-132396 a 35 ans. Plutôt vieux, pour un soldat du débarquement. « Gérard m’a raconté que, quand les soldats comme lui ont vu ce que les nazis faisaient aux prisonniers canadiens, ils ont été convaincus que la guerre ne serait jamais gagnée. Pas tant qu’un Allemand resterait vivant… » Pour hâter la victoire, combien fallait-il en tuer ? « Quand ils capturaient des Allemands, au moment de les ramener vers l’arrière comme prisonniers, ils prétendaient que ceux-ci avaient tenté de s’échapper, qu’il avait bien fallu leur tirer dessus… »
Les gars des........
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