Déconstruire l’«homo economicus»
Il est rare qu’une simple campagne publicitaire provoque une controverse au point de diviser l’exécutif d’un pays. C’est pourtant l’effet qu’a produit, en France, la campagne « Épargnons nos ressources », de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Dans quatre publicités, on voit quelqu’un, qui se comporte au départ comme un vendeur, conseiller à des clients de s’abstenir d’acheter. En fait, cette personne est un « dévendeur », qui suggère, plutôt que d’acquérir un produit neuf, de faire durer ceux que l’on possède déjà, de louer, de réparer ou de se tourner vers l’occasion. Mais, comme cette profession n’existe pas (encore), les publicités suggèrent aux consommateurs de se poser « les bonnes questions avant d’acheter ».
Depuis son lancement peu avant le Vendredi fou et la période des Fêtes, cette campagne, a priori relativement anodine, suscite l’ire d’acteurs économiques. On parle de « gifle aux commerçants », de stigmatisation, de discréditation du commerce. Au point que, dans un communiqué commun, l’Alliance du commerce, l’Union des industries textiles (UIT) et l’Union française des industries mode et habillement (UFIMH) en ont demandé le retrait immédiat, « faute de quoi [ils] envisageron[t] une action en justice pour dénigrement commercial ». Ces critiques ont trouvé un écho chez le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, qui a parlé de « campagne maladroite » et d’effet « regrettable ». De son côté, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a appuyé la campagne, malgré toutes les critiques.
L’antagonisme (artificiel) de l’économie et de l’écologie s’est matérialisé, à Paris, ministère contre ministère, rive droite contre rive gauche.
Cette polémique met en évidence le malaise dans la civilisation du XXIe siècle. Pour lutter contre le réchauffement climatique, ce nouveau fléau, on distingue deux grandes voies : l’efficacité et la sobriété. Produire et consommer mieux ; produire et consommer moins. La première voie, elle, ne pose problème à personne. Les entreprises commerciales font des efforts apparemment considérables pour négocier le........
© Le Devoir
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