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La beauté des nuits de solstice

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J’ai déposé délicatement les personnages dans la crèche fabriquée il y a des années par les habiles mains de mon père, personnages façonnés quand les enfants étaient encore petits et que j’expérimentais la pâte à sel peinte à l’aquarelle.

Il y a un âne et un gros bœuf, tous les deux bidimensionnels et ne tenant debout qu’à condition d’être bien calés dans la fausse paille faite de très minces copeaux de bois.

Il y a deux moutons dodus.

Et puis un tout petit Jésus qu’on croquerait d’un coup de dent non pas parce qu’il est mignon, mais parce qu’il a l’air d’une dragée entre ses bons parents, une Marie toute bleue et un Joseph avec un béret sur la tête, tous les deux un peu trop rondouillets (phénomène dû à mon inexpérience de façonnage).

Tout le monde est là et il y a suffisamment d’étoiles de mer dans le sapin pour imaginer qu’au moins l’une d’entre elles doit croire qu’elle est celle des Rois mages.

Me sont revenus comme chaque année les souvenirs d’encens, d’orgue et de messe de minuit, de chants célestes et de cierges partout dans l’église toute neuve juste au coin de la rue. Nous y allions à pied, emmitouflés et encore endormis malgré les grands froids de la nuit qui aurait dû nous réveiller. Dehors, toute couverte de neige, une immense crèche avec son ange aux grandes ailes et une étoile en or au-dessus. À l’intérieur, bien à l’abri, une autre juste un peu plus modeste, mais tout de même très grande avec un ange aussi et l’étoile dorée. Donc, deux petits Jésus. Des frères ?

J’ouvrais grand les yeux, hypnotisée par l’immensité de l’orgue qui envahissait tout l’espace et qui vibrait jusque dans les grands bancs de chêne où j’étais assise, blottie contre mon père, respirant avec bonheur le parfum des manteaux de........

© Le Devoir


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