Le premier ministre, François Legault, s’est porté à la défense de Geneviève Guilbault à la suite de ses propos maladroits sur le financement des transports collectifs. Peut-être devrait-il aussi modifier l’intitulé de ses fonctions ? Il suffit de remplacer « Mobilité durable » par « Immobilisme exécrable », et le tour sera joué.

Ce titre serait en phase avec la désinvolture affichée par la ministre Guilbault dans le débat sur les manières de résorber le déficit structurel des sociétés de transport. Elle y est allée d’une déclaration étonnante en affirmant que la gestion du transport collectif ne faisait pas partie des missions de l’État.

Elle a en partie raison sur le plan technique, car la gestion courante des sociétés est une responsabilité municipale. Ce n’est toutefois qu’au péril de raccourcis intellectuels qu’elle peut affirmer que l’État n’a rien à voir avec ce bourbier. Que ce soit par sa participation au financement des sociétés, la création de l’autorité régionale de transport métropolitain (ARTM), l’octroi d’un traitement préférentiel au REM, l’idéation des grands projets, le gouvernement du Québec a toujours une main sur le volant du transport collectif. Ou plutôt un pied sur le frein par les temps qui courent.

Le premier ministre a aussi contribué à envenimer les échanges en affirmant qu’il est plus facile pour les maires « de quêter à Québec » que d’équilibrer le budget des sociétés de transport. Dans la continuité du bras de fer qui se joue depuis l’automne dernier, il se met encore les élus des grandes villes à dos.

Ce déversement de frustration par le gouvernement caquiste trahit à la fois son impuissance et son manque de vision pour revoir le financement du transport collectif, mis à mal par les effets de la pandémie, du télétravail généralisé et de la compétition livrée par le REM dans le partage des revenus dans l’agglomération montréalaise. Le déficit structurel (autobus, métro, train et transport adapté) est présentement évalué à 1,4 milliard avec aucun espoir de redressement en vue.

Même si Québec a assumé une large partie du déficit l’an dernier, les agglomérations devront faire des choix déchirants pour remédier à la situation : couper dans les services, augmenter les taxes municipales ou la taxe sur l’immatriculation, augmenter les tarifs… Le gouvernement Legault enrobe très mal son message, mais sa demande n’est pas dénuée de fondements. Les municipalités doivent aussi faire leur part et mieux gérer les coûts d’exploitation.

Toutefois, cela ne justifie en rien le discours réducteur de la ministre Guilbault. Le transport collectif n’est pas un service local ou régional, mais un bien public qu’il importe de soutenir collectivement pour favoriser l’équité dans la mobilité des Québécois, pour assurer un aménagement du territoire responsable et pour se donner une lueur d’espoir dans l’atteinte des cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est une mission de l’État, comme il en est de l’entretien des routes, ces étendues d’asphalte si chères à la ministre.

Il y a urgence de tenir un débat sur le financement des sociétés de transport, à l’intersection de la pérennité et de l’équité dans le partage des coûts. N’y croyons pas trop. Le gouvernement Legault se révèle sous son vrai jour dans cette controverse. La mobilité durable le préoccupe moins que le 3e lien.

Depuis son élection, il ne revendique aucun nouveau projet structurant de transport collectif. Il demande aux villes d’utiliser les pouvoirs de taxation qui viennent avec leur autonomie réclamée de longue date, tout en exprimant des réserves lorsqu’elles envisagent de mettre les automobilistes à contribution, par une hausse de la taxe sur l’immatriculation ou le péage kilométrique. Triste à dire, mais c’est encore et toujours la paveuse de l’immobilisme qui dicte l’avenir du transport collectif.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

QOSHE - De la mobilité à l’immobilisme - Brian Myles
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

De la mobilité à l’immobilisme

47 0
26.04.2024

Le premier ministre, François Legault, s’est porté à la défense de Geneviève Guilbault à la suite de ses propos maladroits sur le financement des transports collectifs. Peut-être devrait-il aussi modifier l’intitulé de ses fonctions ? Il suffit de remplacer « Mobilité durable » par « Immobilisme exécrable », et le tour sera joué.

Ce titre serait en phase avec la désinvolture affichée par la ministre Guilbault dans le débat sur les manières de résorber le déficit structurel des sociétés de transport. Elle y est allée d’une déclaration étonnante en affirmant que la gestion du transport collectif ne faisait pas partie des missions de l’État.

Elle a en partie raison sur le plan technique, car la gestion courante des sociétés est une responsabilité municipale. Ce n’est toutefois qu’au péril de raccourcis intellectuels qu’elle peut affirmer que l’État n’a rien à voir avec ce bourbier. Que ce soit par sa participation au financement des sociétés, la création de l’autorité régionale de transport métropolitain........

© Le Devoir


Get it on Google Play