Fallait-il sacraliser le “moindre mal” que voyait Simone Veil dans la légalisation de l’IVG ?
Quelle est la portée du vote du Congrès le 4 mars 2024 ?
La liberté de la femme de recourir à l’IVG, telle que le Congrès l’a inscrite dans la Constitution (« La loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse »), comporte une ambiguïté qui en rend la rédaction critiquable.
Pourquoi « garantie » ? Ce mot jette le trouble. Comme le relève le sénateur Philippe Bas, nous aurons dans la Constitution des « libertés garanties » et d’autres qui ne le seront pas. Quelle serait la différence entre les unes et les autres ?
Le Garde des sceaux a précisé que le mot « garantie » ne faisait pas de la liberté de recourir à l’IVG un « droit opposable ». C’est important, car ces propos ministériels s’incorporent au débat constituant et éclaireront au besoin l’interprétation que fera le Conseil constitutionnel de la portée de la nouvelle disposition. « Garantie » ou pas, cette liberté devra être conciliée avec les autres droits et libertés comme avec les autres exigences constitutionnelles (dignité de la personne humaine, clause de conscience, droit à la vie…). Rien n’est donc changé. Mais pourquoi alors s’être encombré d’un mot aussi ambigu que « garantie », qui suggère un « droit créance » plus qu’une liberté devant être conciliée avec d’autres libertés, droits, règles et principes de rang constitutionnel (la liberté de conscience des personnels soignants par exemple) ? C’est qu’il y avait un sous-texte…
Le Conseil d’Etat, sans attacher un sens normatif particulier au mot « garantie », lui a apporté sa caution. Il est pourtant contraire à la doctrine constante du Conseil d’Etat d’introduire une ambiguïté dans la Constitution… Où l’on voit que le Conseil d’Etat ne se borne pas à « dire le droit », mais est capable de compréhension politique…
Le texte voté dans par le Congrès est-il pour autant inutile ?
Le texte voté (en attribuant une signification non normative au mot « garantie ») se borne à dire que l’IVG s’exerce dans les conditions (et donc les limites) prévues par la loi. Il se borne à attribuer un brevet de constitutionnalité aux dispositions actuelles sur l’IVG. Mais ce brevet a déjà été décerné par le Conseil constitutionnel !
Nous disposons déjà d’une législation libérale et non contestée. Il n'y a aucun risque de "régression législative". Quelle famille politique porterait une telle mesure ? Déjà sur ce point, la France est aux antipodes des Etats-Unis.
Aucun des partis politiques représentés au Parlement ne veut remettre en cause la loi de 1975. Les partis veulent si peu la remettre en cause que le texte de 1975 a été modifié dans un sens toujours plus libéral par des majorités toujours plus conséquentes. En 2014, la notion de « détresse de la femme », pilier du texte de 1975, passe à la trappe. Son remboursement est total depuis 2013. Le délai obligatoire de réflexion d'une semaine est supprimé en 2016. Le délai de gestation au-delà duquel une IVG devient illégale a été sans cesse repoussé : en 2001 il passe de 10 à 12 semaines ; en 2022 il passe à 14 semaines.
Aucun risque non plus de revirement de jurisprudence du Conseil constitutionnel. A compter de la loi Veil du 17 janvier 1975, le Conseil a admis (par quatre fois) les moutures successives, toujours plus permissives, de la législation sur l'IVG, en considérant qu'il ne lui appartenait pas, dans un tel domaine, de substituer son appréciation à celle du législateur.
Bien plus, par sa décision du 27 juin 2001, il a rattaché l'IVG à la liberté personnelle de la femme, protégée par l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. C'est la remise en cause de l'IVG par la loi qui serait censurée !
La décision de la Cour suprême des Etats Unis de juin 2022 ne donne-t-elle pas à penser que la liberté de la femme de recourir à l’IVG mérite une protection constitutionnelle ?
La référence à la décision du 24 juin 2022 de la Cour suprême des USA (Dobbs vs Jackson........© atlantico
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