menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Piplantri, ce village d'Inde qui plante des arbres pour envoyer ses filles à l'école

41 0
09.01.2024

À Piplantri (État du Rajasthan, Inde).

En s'avançant dans l'épaisse végétation, Sangita marche d'un pas assuré. La jeune Indienne sait où elle va. Elle emprunte ce chemin verdoyant depuis sa naissance, soit près de onze ans. «Je pourrais le faire les yeux fermés», assène-t-elle. Arrivée au milieu d'arbres qui se confondent, Sangita s'arrête. Le voilà, le premier qui a été planté pour honorer sa venue au monde. Autour, le bois semble infini. Les racines se croisent, les branches s'emmêlent à perte de vue. À chaque naissance féminine dans Piplantri, un petit village de l'État du Rajasthan, dans le nord-ouest de l'Inde, de nouveaux arbres rejoignent leurs congénères, contribuant à promouvoir l'éducation des filles, tout en luttant contre les mariages précoces et la dégradation de l'environnement.

Il y a quelques années à peine, Piplantri était pourtant loin d'être un havre de paix –tant pour les jeunes Indiennes que pour la planète. La cité d'environ 6.000 habitants était ravagée par l'exploitation d'une mine de marbre, dont les déjections détruisaient tout ce que la nature tentait de faire pousser. Et les filles subissaient un sort semblable.

Abonnez-vous gratuitement à la newsletter quotidienne de Slate.fr et ne ratez plus aucun article!

Je m'abonne

Naître puis grandir en étant une fille dans cet État, l'un des pires du pays pour les femmes et l'un de ceux au taux de fœticides féminins parmi les plus élevés au monde, était presque contre-nature. Les laisser aller à l'école n'était même pas envisagé. Jusqu'à ce que l'ancien chef du village lance une idée: planter 111 arbres à la naissance de chaque fille, tout en versant, sur un compte bancaire, une somme qui ne pourrait être débloquée qu'à ses 18 ans et uniquement si ses parents ne l'avaient pas mariée entretemps. Une proposition qui a révolutionné les choses dans le village, mais aussi dans le pays tout entier.

Des grilles soutiennent la pousse d'arbres plantés un an plus tôt dans le village de Piplantri (Inde). Les parents des filles doivent aussi assumer l'entretien des plantations. | Robin Tutenges

En 2005, Shyam Sundar Paliwal devient sarpanch –l'élu local au niveau d'un village. Une heureuse nouvelle très vite ternie par un drame familial: sa fille Kiran, alors âgée de 17 ans, meurt quelque temps plus tard, des suites d'une déshydratation. Un événement qui le marquera à jamais, mais qui réveillera aussi en lui une conscience écoféministe, teintée d'une volonté à toute épreuve.

Pour honorer sa mémoire, le sarpanch décide de planter un arbre juste à l'entrée de Piplantri, afin que chacun puisse le voir et se souvenir de la défunte. Une exposition inédite pour une femme du Rajasthan: dans cette région, avoir une fille est considéré comme un fardeau et seuls les garçons ont les faveurs des familles.

N'étant pas perçues comme des membres productifs de la société, nombre de fillettes y sont mariées avant d'atteindre leurs 18 ans –le taux de mariage d'enfants dans l'État a grimpé à 24,5%, selon des données datant de 2019-2021. Les noces, les grossesses précoces et les violences liées au genre éloignent les jeunes filles de la région de l'école. Si tant est que leur famille, souvent pauvre et non éduquée, ait un jour envisagé de les y envoyer. Mais pour Shyam Sundar Paliwal, il était temps que les choses changent.

Des jardiniers........

© Slate


Get it on Google Play