Trump et le darwinisme social
Depuis le début du deuxième mandat de Donald Trump, le phénomène Trump tient les spécialistes en haleine. Jusqu’à présent, on l’a surtout analysé à travers le prisme déformant de la Vieille Europe : fascisme, nazisme, voire la cour de Néron ― quoique, dans ce dernier cas, il faut n’avoir jamais pratiqué Tacite ou Suétone pour goûter la comparaison.
Mais ces grilles de lecture exogènes jettent un éclairage oblique. Pour aller droit au but, mieux vaut utiliser un modèle endogène, qui épouse l’histoire des États-Unis. Et, on va le voir à l’instant, c’est une application délétère de la science qui indique la voie à suivre.
Quand Darwin publie De l’origine des espèces (1859), l’œuvre qui va bouleverser la biologie, il se garde bien d’appliquer sa théorie décapante à l’être humain. Mais d’autres vont s’en charger pour lui.
Ainsi, l’ingénieur et sociologue Herbert Spencer (1823-1903) en tire aussitôt une sulfureuse idéologie sociopolitique. Dévoyant le darwinisme, il jauge les sociétés humaines à l’aune d’un canon organique, de sorte que « la survie du plus apte », une expression qu’il a lui-même forgée, devient un patron culturel.
Dans ses écrits immensément populaires, la compétition et la lutte pour la survie sont alors élevées au rang de lois universelles, régissant non........
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