Jean-Éric Schoettl : "Le RN doit comprendre que l’article 11 de la Constitution ne peut servir à la modifier"
Un changement de paradigme comme celui envisagé par les partis souverainistes suppose de reconfigurer notre système constitutionnel pour instituer un pouvoir fort, disposant au minimum des marges de manœuvre tronquées depuis 1958 par les révisions constitutionnelles successives (supériorité du droit européen sur la loi nationale, contrôle de constitutionnalité, affaiblissement du parlementarisme rationalisé). Cette reconfiguration devrait être soumise au consentement du peuple, afin de lui conférer la légitimité démocratique du suffrage universel.
Or, en vertu de l’article 89 de la Constitution, tout projet de loi constitutionnelle implique, avant la convocation d’un référendum, un vote en termes identiques dans les deux chambres. Il suffirait donc qu’une majorité de députés ou qu’une majorité de sénateurs rejette le projet de révision pour faire échouer celui-ci. Même si un Président de la République souverainiste, élu en 2027, disposait d’une majorité favorable à l’Assemblée nationale, le Sénat pourrait mettre un veto à ses initiatives constitutionnelles. Peu importe que les sondages indiquent que ce projet rencontre un large assentiment populaire.
On sait que le RN (qui, sur ce plan comme sur d’autres, est beaucoup plus avancé que l’extrême gauche pour penser son accès aux affaires) a cru trouver la parade en soumettant directement la révision constitutionnelle au référendum. Ainsi, dans un entretien accordé au JDD le 20 avril dernier, Jordan Bardella a déclaré : « Si nous arrivons à la tête de l’État en 2027, notre première action sera de contrôler l’immigration et de stopper les flux migratoires via un référendum basé sur l’article 11 de la Constitution. Ce référendum ne proposera pas une question, mais le vote d’un projet de loi complet. Ce texte inclura la priorité nationale, la réservation des logements sociaux et des aides aux familles françaises, l’abolition du droit du sol, l’expulsion des délinquants et criminels étrangers, et la primauté du droit français sur le droit européen en matière de sécurité et d’immigration, similaire à l’opt-out danois qui a été mis en place il y a très longtemps pour protéger la souveraineté du Danemark, notamment sur ces enjeux existentiels que sont les questions identitaires, sécuritaires et migratoires. »
Pourquoi l’article 11 ? Parce que, si le texte soumis au référendum constitutionnel prévu par l’article 89 de la Constitution doit être approuvé dans les mêmes termes par les deux assemblées avant d’être soumis au suffrage universel, le référendum législatif prévu à l’article 11 de la Constitution n’impose, quant à lui, aucun vote à l’Assemblée nationale, ni au Sénat, avant la tenue du scrutin. Il est donc d’une utilisation beaucoup plus aisée pour un exécutif disposant d’un fort soutien populaire. L’article 11 a d’ailleurs été employé par le Général de Gaulle à des fins constitutionnelles. Pourtant, cette voie est bouchée :........
© Marianne
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