Santé reproductive des femmes et applis : quand l’intime devient une donnée à exploiter

Imaginez recevoir un message « Félicitations pour votre grossesse »… après une fausse couche. On pourrait croire à un épisode de la série techno-dystopique Black Mirror, mais c’est la réalité que certaines applications de santé féminine pourraient engendrer, transformant vos données intimes en outils exploités bien au-delà de votre écran.

Ces applications, appelées Femtech (pour female technologies) désignent l’ensemble des produits et services technologiques médicaux qui ciblent notamment la santé reproductive des femmes, à savoir la contraception, la grossesse, les menstruations et d’autres dimensions de la santé gynécologique. Le marché mondial des FemTech, évalué à 25 milliards de dollars en 2021, pourrait atteindre 100 milliards d’ici 2030, avec déjà 1400 start-up actives à cette date. Parmi les exemples notables figurent des applications telles que Flo, Period Tracker, Clue, Glow ou encore Natural Cycle.

Ces données sont sujettes à des fuites, des usages détournés ou des traitements algorithmiques souvent insensibles à la vulnérabilité des utilisatrices. Au Canada, l’ampleur du problème est palpable : même après une fausse couche, ces applications peuvent continuer à diffuser des publicités ciblées. À Toronto, l’hôpital Sunnybrook a lancé la campagne #UnsilenceTheConversation, une initiative de sensibilisation destinée à briser le tabou entourant la perte de grossesse et à dénoncer l’insensibilité des algorithmes publicitaires. Dans la foulée, l’hôpital a développé Baby Ad OptOut, une extension de navigateur qui permet aux parents endeuillés d’échapper à ces messages. Ces initiatives révèlent la collision entre intimité, publicité et données sensibles, un enjeu central des Femtechs.

Face à l’opacité de ces technologies, nous avons lancé le projet Jeunes femmes branchées, mais à quel prix ! « FemTech » et risques pour la vie privée. Soutenus par le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada, nous cherchons à montrer dans quelle mesure la loi fédérale peine à encadrer la collecte massive de données de santé des femmes.

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