L’étranger dans nos villes modernes |
Depuis trente ans en Suisse, j’ai observé ces années marquées par une série d’initiatives politiques populistes ayant conduit, à quinze reprises, les citoyens suisses à se prononcer sur la manière de vivre d’autrui. A chaque consultation populaire, on a essayé de durcir la politique en matière de la migration dont l’économie du pays dépend. Cet autrui, pourtant, est un membre à part entière de notre société: il ou elle travaille, il ou elle contribue aux domaines économique, culturel, sportif et social du pays. Participer à la vie politique devient autant important qu’à la vie économique. C’est un acte inclusif et civique, essentiel au renforcement de la démocratie helvétique au XXIe siècle.
Les êtres humains se façonnent dans le miroir de leurs relations. C’est dans le regard de l’autre, dans cette trame d’interactions qui fonde notre humanité, que se dessine notre identité. Le rapport à l’étranger, à celui qui semble venir d’ailleurs, occupe dès lors une place singulière dans notre manière d’exister ensemble. Après le troisième mandat de Sadiq Khan à la tête de la ville de Londres en 2024, Zohran Mamdani, démocrate se réclamant du socialiste, devient le premier maire d’origine musulman de la plus grande ville des Etats-Unis. Deux enfants d’immigrés, issus de la deuxième génération et originaires d’anciennes colonies, se retrouvent ainsi à gouverner les capitales de deux puissances anglo-saxonnes. En octobre dernier, Berivan Aymaz, une femme de la deuxième génération kurde de Turquie a tenté la gouvernance de la Cologne, deuxième grande ville de l’Allemagne. L’écologiste a perdu face aux socio-démocrates au second tour.
Ces exemples peuvent être un symbole fort de la diversité et de la transformation politique du monde occidental à l’ère de la mondialisation. Pendant ce temps, en Suisse, dans nos cantons et communes, notre démocratie «exemplaire» s’interroge encore: faut-il accorder les droits civiques aux étrangers? Une question qui, à la lumière de ces évolutions ailleurs, semble révéler davantage nos hésitations que notre modernité.
Depuis le début de ce siècle, en Suisse comme dans le monde, on nous présente souvent l’autre sous les traits de l’étrangeté, de la différence, parfois même de la menace pour notre système de sécurité sociale ou nationale. Tous les deux ans, les citoyen·nes sont convié·es à voter, non pas pour choisir un avenir commun, mais pour redéfinir sans cesse les frontières symboliques qui nous séparent, en durcissant........