Le Sud global doit-il décroître aussi?

Le constat est sans appel: les activités humaines sont la principale cause du réchauffement climatique mais aussi d’autres crises environnementales, telles que l’aggravation de la perte de biodiversité. Cependant, la question sur les mesures à prendre pour faire face à ces crises reste elle sujet à débat. Dans les milieux politiques, la solution la plus promue demeure celle la «croissance verte», qui consiste à rendre les activités économiques respectueuses de l’environnement. Mais l’idée de croissance verte n’implique pas de réduire les activités économiques pour éviter la destruction de l’environnement. Bien au contraire, les économies du monde entier y sont encouragées à poursuivre leur croissance. Les détracteurs du concept de croissance verte soulignent dès lors le succès limité de cette approche, en convoquant pour cela l’évolution de la lutte contre le changement climatique et la perte de biodiversité, ces dernières décennies.

Malgré les efforts déployés depuis les années 1970 en matière de politique climatique mondiale, les émissions continuent d’augmenter de manière exponentielle: comme le montre le Rapport sur les inégalités dans le monde, près de la moitié des émissions historiques ont été émises après 1990. Il semble ainsi que le statu quo actuel, fait de petits changements politiques, d’innovations technologiques ou de modifications du comportement humain ne suffit pas à empêcher la crise climatique et l’effondrement de la biodiversité. Partant de ce constat, le concept de «décroissance» s’impose de plus en plus comme une alternative à la croissance verte, car il constitue une critique plus radicale du paradigme actuel.

La décroissance est un discours académique et un mouvement militant qui a émergé à la fin des années 2000 en Europe, en particulier en France, conceptualisé par des penseurs comme André Gorz et Serge Latouche, avant d’être popularisé dans le monde anglo-saxon par des chercheurs comme Tim Jackson. Ces partisans de la décroissance affirment que l’incapacité à lutter efficacement contre la destruction de l’environnement s’explique en grande partie par le modèle économique mondial actuel, centré sur la croissance économique et le profit. Car ce n’est pas la seule activité «humaine» qui a provoqué le réchauffement de la planète, mais surtout l’activité économique promue par les pays du Nord depuis la révolution industrielle. A l’origine, cette critique de la croissance n’était pas toujours liée aux enjeux écologiques. Le mouvement de la décroissance est plutôt né d’une critique du mode de vie occidental, de ses récits de progrès et de développement, et si le volet écologique de cette critique de la croissance a pris de l’ampleur ces dernières années, elle n’était au départ qu’un des nombreux piliers de la critique de la décroissance.

Aujourd’hui, la majorité des spécialistes de la décroissance affirment que, puisque les pays du Nord sont........

© LeCourrier