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Savoure le bleu, mon amour

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Janvier est bien là, souverain dès le petit matin, faisant craquer les murs de la maison. Afin de faire sortir la chienne au bois, je glisse mes pieds nus directement dans la fourrure des bottes d’hiver avant d’ouvrir toute grande la porte sur un univers de blanc, de froidure et de fixité. Janvier est là, imperturbable. Il recueille la buée s’échappant de ma bouche, avant 7 h, chaque matin de cette semaine soumise au rythme de la reprise du travail, du train-train et des autres routines qui s’imposent à nous comme si l’hiver n’était qu’un détail à contourner.

Janvier est là, pourtant, implacable, avec ses jours bleutés, la douce dépression qu’il fait planer sur nos fins d’après-midi et ce noir de goudron qu’il jette sur le bois d’à côté de la maison, là où je sors à nouveau, au soir, pour marcher avec la chienne, en songeant au jour qui viendra déjà, demain, si vite, il me semble. Au corps, une fatigue qui traîne, une invitation à l’arrêt me semble lancée par tout ce sur quoi mon regard se pose, comme si l’hibernation concernait peut-être aussi l’animal-humain que je suis.

Janvier est là dans la clinique aussi, dans le retour de la « dame en bleu », comme j’aime la désigner, à la suite de la psychanalyste Lyn Cowan, sur le divan. Au centre de son si beau livre Portrait of the Blue Lady. The Character of Melancholy, la dame en bleu est en effet venue s’asseoir, il me semble cette semaine, tout à côté des patients, enrobant les humeurs déposées de cette forme de mélancolie presque hospitalière, qui invite à une suspension de l’agir, à une récolte de tous les deuils qui traînent en longueur et à une écoute soutenue de tous les échos des absences et des pièces........

© Le Devoir


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