Ma fille ne connaîtra jamais la guerre
En juillet 2022, j’étais enceinte jusqu’au cou et j’attendais les premières contractions avec impatience. Ma date prévue d’accouchement était dépassée de quelques jours, alors je montais et descendais les escaliers, je buvais de la tisane de framboisiers et je jouais au Spikeball au parc Jarry. Ma doula m’avait dit que faire de l’exercice pouvait déclencher le travail… Je faisais tout mon possible pour pousser la petite crevette vers le monde, vers mon monde. Une nuit chaude d’été, Aïna est née après une dizaine d’heures de travail, toute petite, mais pleine d’énergie. Un an et demi plus tard, elle est encore menue, mais ses joues sont potelées et son rire résonne dans toute la maison.
Le 21 avril dernier, des médecins ont réussi à opérer une césarienne d’urgence sur Sabreen al-Sakani, qui venait de mourir des frappes aériennes israéliennes à Rafah. Sa fille, prématurée et chétive, est née orpheline. On l’a appelé Sabreen, en l’honneur de sa mère, qui est partie avant d’avoir pu la serrer dans ses bras. Elle a été transportée dans un hôpital encore équipé pour recevoir les bébés prématurés, et son oncle a accepté de l’adopter sur-le-champ. Mais bébé Sabreen est décédée cinq jours plus tard, malgré les efforts de l’équipe soignante. Elle était trop faible pour survivre à Gaza. Enterrée à côté de son père, décédé dans la même attaque aérienne, elle est allée rejoindre sa famille.
Depuis qu’elle sait porter les choses à sa bouche, Aïna a décidé que ce qu’elle préférait au monde, c’est le fromage. Ça doit être parce que mon amoureux lui donne du fromage en grains à chaque occasion. Au Québec, les bébés........
© Le Devoir
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