Tu me fais tourner la tête
Oubliez le vieux barman désabusé à qui on réclamait un « Side car » (jus de citron, curaçao, triple sec et brandy, au shaker), un dernier pour la route. Le métier a bien évolué depuis Sinatra et One for my Baby.
S’il n’y a pas si longtemps, on conseillait un resto pour sortir, aujourd’hui, c’est aussi le bar et son mixologue qui font la renommée d’une adresse. Ce sont les genius loci, l’esprit protecteur du lieu, à la fois alchimistes, sorciers des fluides, parfois jongleurs, parfois jokers.
Derrière leur comptoir où se cache l’eau-de-vie, on vient admirer leur maestria, sollicitant tous les sens. La mixologie, à cheval sur la gastronomie, la magie et l’ivresse de séduire, fait parler d’elle depuis plus d’une dizaine d’années, mais elle est désormais intégrée dans la grande famille de l’expérience de restauration, surtout depuis la pandémie.
Non seulement la mixologie est une science, mais c’est aussi un art liquide qui se maîtrise à la force des biceps et de l’imagination, qui intègre le zéro déchet et le produit local.
Sabrina Touzel est « cheffe bartendresse » au restaurant Foxy dans Griffintown. « Barmaid, on dirait une servante ! » lance cette étincelante rousse cuivrée (« Florence », no 48 L’Oréal) de 31 ans, reconnue dans le milieu de la mixologie. Sa patronne, surnommée « la sommelière des sommeliers » montréalais, Véronique Dalle, l’a embauchée il y a cinq ans. Normalement, ces deux univers cohabitent avec un léger dédain et ne « mixent » pas, même avec un sirop simple.
« Nous avons beaucoup de chance de l’avoir, me souligne Véronique. Sabrina nous instruit. Je suis heureuse de lui offrir cette plateforme. » Sabrina négocie également son espace en cuisine, car elle utilise le four à bois pour élaborer son sel de charbon ou ses cendres de maïs (un délice sucré fait de maïs grillé et déshydraté). « Mon style, c’est farm to glass, de la ferme au verre. J’aime le côté légumes davantage que le fruit. » Et un peu de zeste sur le pied du verre, pour ensorceler notre nez.
I like to have a martini, two at the very most. After three I’m under the table, after four I’m under my host.
Sabrina élabore sa carte saisonnière en fonction des plats du chef. Parfois, un cinq services sera assorti de cinq cocktails (des........
© Le Devoir
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