Chillax man, c’est juste du slang
Sur mes nombreuses tablettes de dictionnaires, il y a des ouvrages tellement uniques et précieux que je les ai légués par testament. Celui de San Antonio (un trésor d’argot), celui de Pierre Perret (sur le parler des métiers, un bijou), un sur les mots sauvages, d’autres sur la méchanceté, sur les suicides, sur les fantasmes et perversions, sur les symboles, les superstitions, les mots salés des Madelinots, plusieurs sur le sexe et l’érotisme et quelques dicos québécois.
J’ai conservé l’original de Léandre Bergeron, sorti en 1980 chez VLB éditeur, du temps de Victor-Lévy Beaulieu soi-même, Le dictionnaire de la langue québécoise. Sur la couverture, j’ai retrouvé un Post-it : « Hugo : tu dois garder ce livre ! » Un ordre post-mortem à l’intention de mon fils oublieux de ses racines. Mon exemplaire sent le foin, le joual et le passé jauni. Les tranches sont douces, sablées à la main après un incendie. Notre langue menacée survit à tout.
Viendra se blottir sur le rayon le petit dernier des dicos chers à mon coeur, celui du chansonnier et linguiste Jérôme 50 (comme la Labatt que buvait mon père), le Dictionnaire du chilleur, le dernier Robert (Québec) et non des moindres. J’attendais ce bouquin essentiel sans le savoir, comme une validation ou une évidence. Parce que ce dictionnaire québécois métissé de créole, d’anglais, d’argot, de slang américain, d’arabe parle de nous et de la langue de ruelles.
Cette langue sale et transversale puise dans la pulsation brute d’un peuple, sa vivacité d’esprit, sa débrouillardise, sa dissidence et son côté street wise, une appartenance sourde aux lendemains qui déchantent devant les promesses hostiles qui fabriquent les inégalités. C’est une langue de résistance.
« Tokébakicitte » est une expression du cru et l’hymne composé par le chilleur Jérôme 50, qui a cueilli ses occurrences et leurs exemples à la fois relevés, vulgaires ou colorés « dans une démarche punk ». En fin pédagogue, il prend soin en entrevue de définir le sens des mots « élaguer » et « concision » à mon intention. Il faudrait plutôt me traduire, à l’entrée « slang » de son dico : « Wallah ! Le patnais grind pour son kob, legit y pète deux trois guiches, y fait poser des mags sur son whip extra fly. »
J’avoue que chu down, still, j’peux pas figure out.
Mon français est zéro, mon hip-hop vient d’icitte Mon joual t’envoie des mots, c’t’un........
© Le Devoir
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