Notre société des postes

Juste un peu avant la guerre, Gabrielle Roy séjournait à Londres. Ce jour-là, elle s’apprêtait à sortir pour marcher quand sa logeuse, Gladys, vint lui confier, discrètement, une lettre à poster.

C’était la veille de l’anniversaire de Geoffrey, le mari de Gladys. Rien ne faisait plus plaisir à ce Geoffrey que de recevoir, au matin de son anniversaire, en même temps que son journal, une carte de vœux qui avait transité par les postes de Sa Majesté. L’homme aimait voir le timbre oblitéré par le bureau de poste de Fulham. Le service postal, il l’éprouvait en quelque sorte comme la reconnaissance même de son existence par l’État.

Il suffisait à Gabrielle Roy de déposer la carte dans une boîte aux lettres. Sur son chemin, elle en croisa quelques-unes, mais comme l’écrivaine n’était pas très loin du bureau de poste central de Fulham, elle se dit qu’après tout, ce n’était pas plus compliqué de s’y rendre, afin de s’assurer que la lettre serait bel et bien distribuée dès le lendemain. Elle déposa donc finalement l’enveloppe adressée à Geoffrey au bureau de poste central de Fulham.

En début de soirée, à son retour à la maison, l’écrivaine constata au bas de l’escalier que la lettre qu’elle avait confiée à la poste, un peu plus tôt, était déjà là. Elle n’y comprenait rien. Sa logeuse non plus. Qu’est-ce qui s’était passé ? La logeuse s’informant de ce que Gabrielle Roy avait fait exactement lui reprocha d’être allée directement à la grande poste plutôt qu’à une simple boîte aux lettres, comme elle le lui avait demandé.

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