L’auteur est historien, sociologue, écrivain et enseignant retraité de l’UQAC. Ses recherches portent sur les imaginaires collectifs.
Ma question est simple : pourquoi sommes-nous aussi surpris de l’irruption spectaculaire et soudaine du trumpisme ? Ou plus précisément : pourquoi les meilleurs spécialistes des sciences sociales a) ne l’ont-ils pas prévue et b) arrivent mal à l’expliquer ? Ce phénomène illustre les limites des sciences sociales. En voici un autre exemple. Durant l’hiver 1968, le journal Le Monde avait demandé au renommé sociologue Alain Touraine de faire le point en quatre textes sur le devenir de la société française. Le dernier avait paru quelques semaines avant les événements de Mai 1968. Or, les analyses étaient brillantes, mais on n’y relevait aucun signe avant-coureur de l’explosion imminente.
Cela dit, les sciences sociales ne sont pas seules en cause. On peut voir ici à quel point les changements sociaux sont complexes.
Les études très fines, très solides, abondent sur la société américaine. Ce sont habituellement des aperçus centrés sur des questions précises, souvent à micro-échelle : comment évoluent les inégalités sociales ? Comment sont-elles vécues par les personnes défavorisées ? Comment sont-elles affectées par l’évolution de l’économie ? En quoi et dans quelle mesure menacent-elles le tissu social ? Comment de nouveaux acteurs sociaux émergent-ils et quel impact exercent-ils sur les rapports de pouvoir ? Comment, parallèlement, se transforment les identités, les visions du monde, les mythes, les croyances, les relations interculturelles ? Comment s’expriment les nouvelles aspirations, les anciennes frustrations ? Etc.
Toutes ces connaissances constituent des pièces........