Sommes-nous surpris par la tournure du budget fédéral ? Le gouvernement Trudeau a passé les dernières semaines à dévoiler au compte-goutte les diverses mesures contenues dans le budget, confectionné tout en dépenses, encore une fois.

Les superlatifs ne manquent pas : buffet ouvert, de tout pour tous les goûts, plateforme électoraliste, oeuvre d’un « pompier pyromane »… Ce budget n’inspire pas en dépit de ses promesses « transformatrices » pour améliorer le sort des jeunes Canadiens, nouvelle source de préoccupation des libéraux après la proverbiale classe moyenne des cycles budgétaires précédents.

Les libéraux démontrent encore une fois qu’ils n’ont aucun intérêt ni plan pour retrouver un jour l’équilibre budgétaire. Le ratio de la dette par rapport au PIB, qui sera de 41,9 %, la comparaison avantageuse du Canada par rapport aux autres pays du G7 et la cote de crédit enviable du Canada (AAA) suffisent à transformer cet enjeu de responsabilité fiscale en un débat abscons pour économistes en mal d’attention.

La situation n’en est pas moins anormale. Sur RDI, Gérald Fillion y est allé d’une image choc. À 54 milliards de dollars, le service de la dette équivaut maintenant à la totalité des sommes perçues en TPS dans une année.

En 2024-2025, le gouvernement propose 5,3 milliards de dollars de nouvelles dépenses, en grande partie dans les champs de compétences des provinces. Les dépenses (538 milliards) sont en hausse de 8 % alors que les revenus (498 milliards) sont en hausse de 7 %. Le gouvernement terminera tout de même l’exercice financier 2023-2024 avec un déficit moindre que prévu, à 40 milliards au lieu des 46,8 milliards estimés par le directeur parlementaire du budget. On se console comme on peut.

L’exercice suivant devrait générer un déficit de 38,9 milliards (1,3 % du PIB), et les quatre autres seront aussi écrits à l’encre rouge. Si les hypothèses budgétaires se confirment, le Canada ajoutera donc 156 milliards à sa dette dans les cinq prochains exercices budgétaires. Encore une fois, tout est relatif au poids de la dette et du déficit par rapport au PIB, diront les libéraux et leur partenaire de coalition, le NPD.

En l’absence d’une stratégie pour reprendre la mainmise sur les finances publiques, il devient de plus en plus difficile d’accepter ces explications avec sérénité d’esprit. Les jeunes, à qui le gouvernement tend la main par ses mesures d’accès au logement et à la propriété, forment peut-être la base électorale d’aujourd’hui. Ils seront responsables de payer la facture demain si la situation économique se détériore.

Les promesses d’accès au logement qui leur sont faites se heurteront par ailleurs au test de la réalité. Les libéraux promettent d’ajouter 3,87 millions de logements au pays d’ici 2031. La SCHL martèle depuis des années que les mises en chantier ne sont pas à la hauteur des besoins et que les prix vont poursuivre leur explosion. En quoi ce gouvernement centralisateur et sclérosé sera en meilleure posture que les provinces pour infléchir la pénurie de logements ?

Ainsi, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, voit juste lorsqu’il réduit le budget à « une bouée de sauvetage » que les libéraux et les néodémocrates ont confectionné dans l’espoir de reprendre le chemin des victoires. Le chef du Parti progressiste conservateur (PCC), Pierre Poilievre, s’est montré encore plus cinglant en accusant le premier ministre, Justin Trudeau, de se comporter en « pompier pyromane » dans la gestion des finances publiques. Remarquez qu’il ne dit pas encore où il coupera s’il est élu…

Une fois le concert des protestations épuisé, il faudra tout de même concéder quelques vertus à ce buffet ouvert. L’économiste en chef du Mouvement Desjardins, Jimmy Jean, a fait remarquer que le budget respecte les ancrages fiscaux et que la cote de crédit AAA du Canada n’est pas menacée.

Le gouvernement a par ailleurs réussi un tour de force en augmentant l’assiette fiscale sans augmenter les taxes et les impôts de monsieur et madame Tout-le-Monde. Le gouvernement prévoit ainsi récupérer 19,4 milliards en nouveaux revenus avec la hausse de l’impôt sur le gain de capital des particuliers et des sociétés. La mesure toucherait environ 40 000 contribuables parmi les plus fortunés, dit-on. Attendons de voir comment la mesure affectera des ménages qui seront bien surpris de se retrouver dans « le 1 % » simplement parce que leur bien immobilier s’est apprécié au cours de leur vie utile. La mesure risque aussi de freiner l’appétit des entreprises pour l’investissement et la modernisation des équipements alors que le Canada accuse un sérieux retard dans la productivité par rapport aux États-Unis.

Les prochains jours seront riches en débats et accusations aux Communes, mais ne soyons pas dupes du résultat. L’alliance entre les libéraux et les néodémocrates suffira à faire avaliser ce budget et lancer la prochaine phase du cycle politique qui nous mènera aux élections. À tant dépenser, c’est à demander ce qu’il restera à promettre pour les libéraux lors de la prochaine campagne, sinon que des illusions ou des lendemains qui déchantent.

Ce texte fait partie de notre section Opinion. Il s’agit d’un éditorial et, à ce titre, il reflète les valeurs et la position du Devoir telles que définies par son directeur en collégialité avec l’équipe éditoriale.

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Buffet électoral fédéral pour goinfres avertis

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17.04.2024

Sommes-nous surpris par la tournure du budget fédéral ? Le gouvernement Trudeau a passé les dernières semaines à dévoiler au compte-goutte les diverses mesures contenues dans le budget, confectionné tout en dépenses, encore une fois.

Les superlatifs ne manquent pas : buffet ouvert, de tout pour tous les goûts, plateforme électoraliste, oeuvre d’un « pompier pyromane »… Ce budget n’inspire pas en dépit de ses promesses « transformatrices » pour améliorer le sort des jeunes Canadiens, nouvelle source de préoccupation des libéraux après la proverbiale classe moyenne des cycles budgétaires précédents.

Les libéraux démontrent encore une fois qu’ils n’ont aucun intérêt ni plan pour retrouver un jour l’équilibre budgétaire. Le ratio de la dette par rapport au PIB, qui sera de 41,9 %, la comparaison avantageuse du Canada par rapport aux autres pays du G7 et la cote de crédit enviable du Canada (AAA) suffisent à transformer cet enjeu de responsabilité fiscale en un débat abscons pour économistes en mal d’attention.

La situation n’en est pas moins anormale. Sur RDI, Gérald Fillion y est allé d’une image choc. À 54 milliards de dollars, le service de la dette équivaut maintenant à la totalité des sommes perçues en TPS dans une année.

En 2024-2025, le gouvernement propose 5,3 milliards de dollars de nouvelles dépenses, en grande........

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