En Sologne, les grandes fortunes organisent leur sécession. C’est là que nous emmène le journaliste Jean-Baptiste Forray dans son livre, « Les nouveaux Seigneurs » : un territoire totalement balafré par plus de 4 000 kilomètres de clôtures et où, derrière leurs murailles, de grands noms du capitalisme français abattent à cœur joie et en quantité industrielle un gibier, lui-même privatisé…
Dans une roborative enquête, fourmillant de noms et de détails, le journaliste Jean-Baptiste Forray nous fait pénétrer derrière les hautes clôtures des vastes domaines où les ultra-riches s’adonnent, sans foi ni loi, à leur passion d’une chasse totalement dérégulée. Un loisir décrit par l’auteur comme de la « porno-chasse » mais qui n’en finit pas de saccager la biodiversité comme d’exaspérer les populations locales. Et dès lors, c’est aussi l’histoire d’une fronde qui s’organise.
Ils donnent son titre à votre livre offrant une plongée en profondeur dans une Sologne confidentielle et secrète… Qui sont ces « nouveaux seigneurs » ?
On connaît Chambord ; le nom de ce domaine qui a appartenu à François Ier charrie des images. Des ministres, des conseillers et des hommes d’affaires qui se retrouvent au petit matin pour une partie de chasse. Mais Chambord, ce n’est, en réalité, que le poste avancé d’un territoire de chasse cent fois plus grand : au total, ce sont 500 000 hectares, à peu près la taille d’un département, à cheval sur le Loiret, le Loir-et-Cher et le Cher.
Grandes fortunes. La Sologne, empire sans partage des propriétaires
La Sologne, avec ses 400 châteaux et plus, est la réserve des beaux quartiers, le prolongement champêtre du 16e arrondissement de Paris. Dans ce « Saint-Tropez-sous-Bois », on retrouve de grands noms du capitalisme français, comme les frères Bouygues, les frères Seydoux – les nababs du cinéma français -, les frères Wertheimer, actionnaires majoritaires de Chanel, les frères Bich, qui possèdent les fameux stylos Bic… Beaucoup de frères, remarquez-le, car la chasse, c’est une affaire de famille. Mais pas seulement : il y a Claude Bébéar et, jusqu’à son décès en 2021, Olivier Dassault. Puis aussi des fortunes plus récentes, que les vieilles lignées du coin désignent comme les « nouveaux riches ».
Parmi eux, Franck Provost, par exemple : au regard des dynasties citées précédemment, ce patron de franchise est arrivé là de fraîche date, depuis une vingtaine d’années. Pour lui, posséder un domaine dans le saint des saints, au cœur de la « Sologne des étangs », c’est une façon de s’acheter des quartiers de noblesse, de s’inscrire au royaume du business.
Mais une chose demeure en Sologne : elle reste le pays des secrets, l’empire des mystères. C’est une région où la brume cache la forêt et où la forêt cache le château. La Sologne est le laboratoire du séparatisme........