S’il est une chose qui ne me pende pas au nez, c’est bien de devenir cheffe d’état – et pourtant, ceux qui parmi vous me lisent s’entendront sur le fait que je saurais remettre ce pays en ordre, et fissa. Comme notre Président, j’ai souvent l’air de déambuler sans but, cornaquée par mes lardons débordants d’énergie ; l’épuisement m’aveugle, j’agis impulsivement, la cervelle colonisée par la seule urgence d’endiguer les cris. Nul ne peut comprendre la pression présidentielle mieux que des jeunes parents, écartelés par les exigences des bambins.

C’est ainsi que j’ai passé cet été caniculaire entre le terrain de jeux et l’église du village – pas par piété, mais parce qu’il y faisait frais.

La première fois que nous avons visité ce lieu saint, mon petit dernier a ouvert des yeux comme des soucoupes ; attraits du silence grave, de l’écho des semelles sur les dalles, l’odeur d’encens, et ce barbu star sur sa croix.

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L’animation est telle dans le Var que l’église est devenue notre lieu de pèlerinage bi-quotidien, j’ai fini par étoffer la visite en confiant ma mitraille à l’aîné afin qu’il allume des cierges (s’il se brûle, dame, ça nous fera toujours une heure de visite au docteur), et appris à identifier saint Louis dont les arpions dépassant de la robe font mourir de rire les petits. Tout cela nous prenait deux heures par jour, nous jouions dans le confessionnal où Emile m’avouait gravement avoir pissé dans mes plantes. Pourvu qu’on y trouve de l’ombre et ce silence fourmillant de paraboles, j’amènerais les petits chez les Scientologues, à un meeting de Raëliens.

Je comprends Macron ; tout comme je passais de l’église au skate park pour satisfaire l’un et l’autre de mes dauphins, il lui faut courir comme un poulet sans tête d’un évènement à un autre, égayer la rentrée des profs qui n’ont pas assez de boulot par une loi sur la tenue vestimentaire des élèves, et puis assister, sans transition, à la messe du Pape le 23 septembre, sans la capacité ou le loisir de réaliser qu’il commet là l’impair ultime – donner l’impression de préférer un de ses gosses aux autres.

La chronique du temps présent d'Emma Becker : "Le vrai prix des bonnes choses"

Sauf qu’à la différence des parents, qui ne recouvrent la raison qu’une fois la nuit venue, on suppose qu’un Président dispose d’une équipe pour lui signaler ses incohérences avant qu’il les commette – lui faire remarquer, par exemple, que le dernier chef d’état présent à une messe papale était Giscard, qu’il y avait peut-être une bonne raison à ça ? Peut-être ce souci de séparation entre Eglise et Etat ? Non, personne ?

Le pédiatre Winnicott disait en substance qu’une mère n’a pas à être parfaite, mais suffisamment bonne : c’est-à-dire faire des erreurs mais savoir les reconnaître pour s’améliorer. Pensez à moi en 2027.

Emma Becker

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La chronique du temps présent d'Emma Becker : "Un président suffisamment bon"

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17.09.2023

S’il est une chose qui ne me pende pas au nez, c’est bien de devenir cheffe d’état – et pourtant, ceux qui parmi vous me lisent s’entendront sur le fait que je saurais remettre ce pays en ordre, et fissa. Comme notre Président, j’ai souvent l’air de déambuler sans but, cornaquée par mes lardons débordants d’énergie ; l’épuisement m’aveugle, j’agis impulsivement, la cervelle colonisée par la seule urgence d’endiguer les cris. Nul ne peut comprendre la pression présidentielle mieux que des jeunes parents, écartelés par les exigences des bambins.

C’est ainsi que j’ai passé cet été caniculaire entre le terrain de jeux et l’église du village – pas par piété, mais parce qu’il y faisait frais.

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