Côté médias asservis, la fonction "tout va très bien madame la marquise" était naguère dévolue à un hurluberlu qu'en hommage à Michel Polnareff et derrière son dos, ses collègues appelaient "La poupée qui dit non": pas de bandes dans les banlieues, pas de violences non plus, en mode "c'était bien pire avec les Blousons Noirs". Ce comique s'étant noyé dans les eaux fangeuses du conspiratisme-COVID, il lui fallait un successeur. Or récemment, France-Info, dont la boussole politique oscille entre MM. Mélenchon et Poutou, en dégaine deux, pour plus de sûreté propagandiste - 25 fusillades rien qu'à Nantes, de janvier à fin mai 2023... Carnage sans trêve à Marseille... Il faut réagir.
Le commun discours des deux sociologues-édulcorants de France-Info : plus violente, la société française ? Mais non ! Preuve, de 1993 à 2021, le taux d'homicides en France s'effondre de 3 à 1,4 pour 100 000 habitants. Le problème de ces sociologues actuels - Émile Durkheim, lui, connaissait le sujet (Le crime, phénomène normal, 1894) - est que, face au crime, ils réagissent en bobos-libertaires ; donc, disent n'importe quoi. Car cette baisse du taux d'homicides n'a rien à voir avec la violence de la société ; moins encore, avec l'efficacité du système régalien police-justice-pénitentiaire.
S'agissant des taux d'homicides en France, ce dernier demi-siècle, la variable décisive est la médecine d'urgence, depuis sa création, ses expérimentations et sa généralisation en France, dans les décennies 1960 et 1970. SAMU (Service d'aide médicale urgente), SMUR (Services mobiles d'urgence et de réanimation) - quand ce maillage est fonctionnel (décennie 1980), prévaut la situation suivante :
- En 1950, qui était poignardé ou percé de balles sur la voie publique, à domicile, etc., encourait 7 risques sur 10 de mourir, de la prise en charge aux séquelles opératoires.
- En 1990, ce risque tombe à 3 risques sur 10, du fait de cette médecine urgentiste.
Entre-temps, plus ou moins d'assassins... Diversement habiles ou motivés... De victimes solides, veinardes, ou pas - l'essentiel reste ce surplus de survie de blessés graves, du fait d'une médecine d'urgence inventée en France et au succès mondial. D'où l'absolue impossibilité de comparer les taux d'homicides des décennies 1950 et 1990 : chaque année entre-temps, des centaines de "morts potentiels" passent de la catégorie "homicides" à celle des "tentatives".
Ainsi, le taux d'homicides "réussis" passe en France de (1988) 2,79/100 000 ; à (2019) 1,3/100 000. Phénomène classique de vases communicants, les tentatives d'homicide explosent alors : additionner, de 1972 à 2020, "homicides" et "tentatives", révèle une forte poussée de + 113%. Exemple : homicides "réussis" en 2020, 863. Tentatives en 2020 : 3 331. Total sur l'an 2020 : 4 194 homicides et tentatives. C'était la moitié voilà trois décennies. CQFD.
Attendons - sans espoir excessif - le "Fact Checking" de France-Info sur les allégations de ses sociologues-maison.
Hormis la sociologie courtisane, les médias asservis ont une autre corde à leur arc : le vocabulaire qui, bien trituré, permet de gommer en douce ce qu'ils jugent "inapproprié". Ainsi, depuis le début du XXIe siècle et par petites touches, ces médias ont entrepris d'éliminer sémantiquement le négatif : les mots brutaux comme "vol", "mort" "crime" y sont bannis ; après le CV anonyme, le fait-divers est anonymisé, "gentrifié".
Un ravalement sémantique bien sûr californien. Nom de code : Person-Centered-Language. Sur un moteur de recherche, les lecteurs anglophones trouveront aisément la formule par laquelle neutraliser, par usage de l'unique mot "personne", ce qui qualifie ou désigne ("homme", "femme", Noir ou Blanc, valide ou infirme, bandit ou sauveteur, victime ou bourreau... etc.). Dans l'idéologie-GAFAM, nommer laisse place à l'hypnotique, au répétitif matraquage du seul mot "personne", variante de l'ancestrale pensée magique, qui croit que nommer le diable, c'est l'invoquer - à ses risques et périls.
De là, des ersatz sémantiques submergent les faits divers, les rendant quasi-incompréhensibles, ou condamnant le lecteur à un pénible décodage :
Agresser, attaquer, assaillir : "en découdre" (comme dans Les trois mousquetaires),
Assassin, cambrioleur, etc. : "auteur" (comme à l'Académie Goncourt),
Bandes, gangs : "réseaux" (comme France Télécom), "Trios" ou "quatuors" (comme à Pleyel), "Équipe" (comme au foot),
Bandit, tueur : "personne",
Cadavre : "corps sans vie" (comme pain sans gluten),
Mourir, tuer : "perdre" (comme ses clés) ou "prendre la vie", (comme le bus),
Nuit d'émeute : "émaillée de..." (comme la vaisselle de Sèvres),
Policier : "fonctionnaire",
Toxicomane : "consommateur" (comme au supermarché).
Pour contraindre la piétaille médiatique à l'usage du Person-Centered-Language, les rédactions ont même pondu de bienséants "codes d'éthique" prohibant le réel criminel ; surtout, les origines ou l'apparence des malfaiteurs. Codes piétinant la norme du droit, qui n'interdit de nommer le malfaiteur que s'il est mineur.
Prévenons gentiment ces adoucisseurs : ce qu'ils font revient à comprimer toujours plus un ressort ; à visser plus fort le couvercle d'une cocotte-minute ; exercices parfois périlleux.