En 2017, Emmanuel Macron est monté sur la scène du grand amphithéâtre de la Sorbonne pour lancer un appel résolu et optimiste pour une Europe « plus unie, plus souveraine, plus démocratique ». Sept ans plus tard, dans un contexte marqué par des crises multiples et inédites (Brexit, pandémie de COVID-19, retour de la guerre sur le continent européen, explosion des dettes publiques), il s’est adressé de nouveau aux Européens en affirmant que « notre Europe, aujourd'hui, est mortelle. Elle peut mourir, et cela dépend uniquement de nos choix. »
Beaucoup de mots (19.500) pour lancer deux messages. Le premier est une évidence : la situation dans laquelle l’Union européenne se trouve en 2024 est grave et nous devons agir vite si nous voulons éviter la mort de notre liberté et la fin de notre prospérité. Le second est subliminal : la situation est grave mais n’ayez crainte : moi, président français, j’ai des idées plein la tête pour vous conduire vers « une Europe puissance, une Europe de prospérité, une Europe humaniste ».
Emmanuel Macron identifie trois menaces interconnectées créant un « moment particulièrement dangereux dans l'histoire du continent » : la sécurité face à une Russie impérialiste, le protectionnisme de la Chine et des Etats-Unis, la montée des partis nationalistes et antilibéraux. Si ce diagnostic est juste et largement partagé en Europe, il n’en va pas de même pour les solutions proposées.
Politique de défense européenne : un projet sans contenu financé par des emprunts communautaires
En matière de défense et de sécurité, la presse européenne salue le président français comme celui qui, après quelques hésitations au début du conflit en Ukraine, a le mieux identifié l’ampleur du danger russe et appelé avec le plus de vigueur à un changement de mentalité. Le problème avec son discours se situe au niveau des propositions concrètes. C’est à peine si le président français mentionne quelques initiatives anciennes comme le parapluie de défense aérienne européen (une idée allemande à laquelle Emmanuel Macron s’était dans un premier temps montré hostile), la mise en place d’une force de réaction rapide européenne ou la création d’instituts de formation militaire communs.
Quant à l’objectif maintes fois répétée d’une « souveraineté stratégique » de l’UE, leitmotiv dans les discours présidentiels, les grands titres de la presse allemande, généralement atlantistes, se montrent plus circonspects. Sa volonté de voir l'Europe s’émanciper de la puissance américaine est accusée de faire le jeu du président Xi Jinping, dont la stratégie consiste justement à détruire la cohésion du camp occidental. Ce n’est sans doute pas un hasard si le président chinois a choisi Paris comme première étape de sa récente visite en Europe.
La principale revendication du président français est toutefois d’ordre bassement pécuniaire : il demande le financement de grands projets d'armement européens par des fonds de l'UE, c'est-à-dire par de nouvelles dettes communautaires. Or, comme le rappelle la Neue Zürcher Zeitung, rien ne dit que le réarmement de l’Europe nécessite des financements de la part de l'UE. La Pologne consacre déjà près de 4 % de son PIB à la défense (contre à peine 2% en moyenne dans l’UE), et les pays baltes comptent parmi les plus grands soutiens de l'Ukraine (en tenant compte de leur poids économique). Quant à l'Allemagne, elle envoie à Kiev une aide militaire substantiellement supérieure à celle de la France, un point systématiquement dénié par Paris.
La politique industrielle européenne : le rêve dirigiste
En matière de politique économique, les commentateurs européens pointent la même faiblesse dans les visions présidentielles qu’en matière de sécurité : une analyse judicieuse des enjeux, mais des propositions peu convaincantes et parfois dangereuses.
Tout le monde abonde dans le sens d’Emmanuel Macron quand il fustige la surrèglementation des instances bruxelloises et la naïveté des Européens face aux Etats-Unis et à la Chine. Mais que propose-t-il ? Davantage de « protection », une gestion centralisée de « champions européens » dans des secteurs clés et - surprise ! - le financement communautaire d'une politique industrielle européenne.
Il juge en effet « nécessaire » une augmentation substantielle des dépenses « pour que l'Europe reste dans la course à la technologie » (intelligence artificielle, d'informatique quantique, d'espace, de biotechnologie et d'énergie innovante). Selon The Economist, une telle politique industrielle à la........© atlantico