«Mais ça bouge vers le mieux!» En discutant avec mon père, j’étais surprise de voir comme il envisageait l’égalité homme-femme avec un regard optimiste, comme si la lancée féministe allait inexorablement faire table rase des injustices récalcitrantes. Et cela m’interrogeait en retour sur mes craintes: est-ce que mes enfants ne vivront jamais dans une société qui aura vraiment réglé ses problèmes d’égalité?
Oui, la mobilisation du 14 juin 2019 a permis de réunir sous l’étiquette «féministe» des femmes et des hommes de tous horizons politiques, elle a permis de mettre en lumière des tabous, comme les règles ou la ménopause, elle a permis de nommer enfin les violences vécues dans le silence de la vie privée, elle a conduit à la révision du droit pénal en matière de viol, et pourtant…
«Un point ne progresse pas: c’est celui de l’injustice financière du travail des femmes.»
Et pourtant, il faut lever une nouvelle Grève féministe le 14 juin car un point ne progresse pas: c’est celui de l’injustice financière du travail des femmes. Car être une femme en 2023, c’est souvent être pauvre.
Oui, les femmes ont accès au marché du travail. En Suisse elles travaillent même beaucoup, mais elles gagnent toujours moins que les hommes. Ces 18% de différence salariale entre les hommes et les femmes, 1500 francs en moyenne par mois, cela ne bouge pas.
Pourtant on croit toucher le même salaire que son collègue masculin. Mais les femmes travaillent souvent dans des secteurs mal rétribués: la santé, le social, la vente, l’hôtellerie, le nettoyage, des secteurs où l’expérience est moins valorisée, alors que le 1% des emplois les mieux payés est nettement masculin.
Oui, être une femme, c’est souvent être pauvre. Plus d’un tiers des femmes actives gagnent moins de 3’000 francs net, elles ont donc une couverture sociale insuffisante. Et comme la retraite est une cruelle synthèse de ce qu’a été la vie active, une retraitée sur sept dépend des prestations sociales.
À cause de ces bas salaires; à cause des interruptions du parcours professionnel, parfois par choix, parfois faute de solution de garde; parce qu’une femme sur sept perd son emploi à son retour de congé maternité.
18%: ce chiffre en 2023 choque, au-delà des clivages politiques. Mais les inégalités salariales résistent à la simple prise de conscience: il faut de nouvelles mesures.
Que le salaire minimum entre dans la loi; que les résultats des analyses de l’égalité salariale imposées aux entreprises de plus de 50 employé·e·s aient des conséquences; que les licenciements de jeunes mères fassent l’objet de sanctions pénales; que, enfin, les retraites des femmes leur permettent de vivre.
Pour que le 14 juin 2023 soit celui des travailleuses et du droit de toutes à toucher un revenu suffisant pour son travail.
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