Consulter quelques statistiques permet parfois de préciser ce que l’on croit savoir et donc penser. Ainsi ces chiffres qu’évoque l’État de Vaud dans son rapport «Vieillir 2030 - Portrait des seniors». En bref, au-delà de 65 ans, 49% des femmes vivent seules, pour 24% des hommes. Au-delà de 80 ans, elles sont 71% à vivre seules ou en institution, les hommes, eux, seraient 37%. Et, «avec l’accélération du vieillissement démographique, le fait de vieillir sans famille (i.e. sans partenaire ni enfant) est un phénomène qui va nettement augmenter au cours des prochaines décennies. En Suisse, 8% des 70-80 ans (environ 100’000 seniors) vieillissent aujourd’hui sans pouvoir compter sur les ressources de la famille nucléaire – partenaire et/ou enfant(s).»
«Disparue, l’époque où le parent âgé sans enfants faisait parfois un peu pitié dans le cercle familial.»
Intéressant, non? Disparue, l’époque où le ou le parent âgé sans enfants faisait parfois un peu pitié dans le cercle familial. Et pourtant vieillir seule reste discriminant pour une femme, même si bon nombre de babyboumeuses ont choisi de ne pas se marier. Même si les familles se disloquent. L’aide intergénérationnelle n’est plus automatique, encore moins quand elle doit aller et venir entre deux pays, deux continents. Les statistiques ci-dessus confirment l’évidence, pouvoir compter sur des «proches», entendez la famille, n’ira pas de soi pour tous les baby-boomers âgés, encore moins pour les babyboumeuses.
Beaucoup de septuagénaires vivant seules diffèrent de celles qui les ont précédées. Le facteur économique reste certes pénalisant aujourd’hui comme hier: la moitié des personnes de plus de 65 ans estimées pauvres sont des femmes seules. Mais souffrir d’insomnies, de solitude et/ou d’arthrose n’empêche pas les babyboumeuses de multiplier rencontres, activités sportives et voyages. Il y a quelques années, le corps médical nous rassurait: «Il n’y a plus d’âge, il n’y a que des états de santé.» Aujourd’hui s’y ajoutent «les niveaux d’énergie» que l’on capte et cultive.
À propos d’énergie, je n’en reviens pas du nombre de – jeunes - quinquagénaires qui s’affolent de leur vieillissement, s’effondrent devant leurs premières rides et se disent vite épuisées. La ménopause à l’ère de la performance, du look immuable? Ces – très – jeunes vieilles ne clament pas leur solidarité à l’égard de leurs aînées. Silence aussi chez les jeunes féministes, la nouvelle donne démographique ne les fait pas monter au front.
Alors qui sont nos porte-voix, sinon nous-mêmes? Quand l’intellectuel français Didier Eribon place sa mère dans un établissement médicalisé où elle décède rapidement, ce presque septuagénaire fait de son sentiment de culpabilité un livre paru récemment «Vie, vieillesse et mort d’une femme du peuple». Soudain directement concerné, il s’interroge: les personnes âgées peuvent-elles faire entendre leur voix si personne ne parle pour elles?
La maman de Didier Eribon appartenait à une époque et à un milieu social silencieux. Les besoins des babyboumeuses âgées se précisent, se différencient, mais si elles sont conscientes de à quoi elles aspirent, reste encore à se faire entendre. À elles donc de répéter sans relâche que la vieillesse, peut-être sans famille, qui est là à leur porte, eh bien elles la souhaitent dans la continuité de leur trajectoire et en accord avec leurs valeurs.
À elles de seriner encore et encore: quand donc, dans le canton de Vaud, la classe moyenne aura-t-elle droit à une offre de logement «évolutif» où il fait bon vivre jusqu’au bout? Quelque chose doit enfin changer. Pas seulement les dysfonctionnements constatés parfois dans certains EMS, les mauvais traitements, les salaires de misère et abus divers. Mais aussi les réponses de l’État aux attentes très concrètes des vieux et surtout des vieilles actuels.
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Babyboomeuses âgées cherchent porte-voix
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03.06.2023
Consulter quelques statistiques permet parfois de préciser ce que l’on croit savoir et donc penser. Ainsi ces chiffres qu’évoque l’État de Vaud dans son rapport «Vieillir 2030 - Portrait des seniors». En bref, au-delà de 65 ans, 49% des femmes vivent seules, pour 24% des hommes. Au-delà de 80 ans, elles sont 71% à vivre seules ou en institution, les hommes, eux, seraient 37%. Et, «avec l’accélération du vieillissement démographique, le fait de vieillir sans famille (i.e. sans partenaire ni enfant) est un phénomène qui va nettement augmenter au cours des prochaines décennies. En Suisse, 8% des 70-80 ans (environ 100’000 seniors) vieillissent aujourd’hui sans pouvoir compter sur les ressources de la famille nucléaire – partenaire et/ou enfant(s).»
«Disparue, l’époque où le parent âgé sans enfants faisait parfois un peu pitié dans le cercle familial.»
Intéressant, non? Disparue, l’époque où le ou le parent âgé sans enfants faisait parfois un peu pitié dans le cercle........
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