– Dis, ChatGPT, que va-t-il advenir des artistes maintenant que vous, les robots, vous leur devenez supérieurs dans tous les domaines créatifs?

«… just a moment, please…»

– C’est vrai qu’on leur botte les fesses. Ils n’auront qu’à trouver un vrai job, ces tocards. Et se couper les cheveux.

Dans la réalité, la réponse de la machine fut un peu moins péremptoire. Elle a prétendu ne jamais vouloir «remplacer l’inspiration et l’émotion humaines», désirer plutôt se «mettre à leur service» pour sublimer notre potentiel créatif. Balivernes de robot sournois! L’intelligence artificielle s’est déjà immiscée dans les arts à une vitesse délirante, plaçant sa musique dans nos charts, faisant douter de la présence humaine derrière l’image que l’on admire ou le texte que l’on lit. L’idée de l’être humain comme unique détenteur de la flamme du génie en a pris un sacré coup, et il va falloir s’y faire.

Pendant qu’on travaille à ce deuil, cela dit, prenons un moment pour constater que l’émergence de l’IA intervient à un moment où les arts ne sont pas au mieux. Quel est le dernier livre à avoir enflammé le débat sur la place publique? Le dernier film à avoir bouleversé le monde, la dernière chanson à l’avoir rassemblé? Si on voulait forcer un peu le trait, on pourrait dire que la production artistique du XXIe siècle semble parfois davantage servir à faire tourner les institutions culturelles et le business du divertissement qu’à exprimer l’urgence d’émotions ou d’idées nouvelles.

«En gros, notre production collective est tellement scriptée et standardisée qu’un nivellement par le milieu permet de la simuler.»

En fait, c’est la notion même de création que semble questionner le modèle derrière ChatGPT: on le sait, «l’intelligence artificielle» n’est ici qu’une analyse quantitative du langage publié en ligne, le réseau neuronal étant statistiquement capable de prédire le mot suivant dans une phrase. En gros, notre production collective est tellement scriptée et standardisée qu’un nivellement par le milieu permet de la simuler. Pas follichon.

À y réfléchir, l’IA arrive peut-être à point nommé pour nous pousser vers un nouveau souffle créatif. «La mission de l’art n’est pas de copier la nature, mais de l’exprimer. Tu n’es pas un vil copiste, mais un poète!» écrivait Balzac dans son «Chef-d’œuvre inconnu» (1832). Pour créer, nous faire rêver et réfléchir à nouveau, les artistes, qu’ils utilisent ou non les nouveaux outils proposés par l’IA, vont devoir sortir des sentiers balisés, saturés de robots. Redevenir des poètes, pas des copistes.

Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.

QOSHE - L’art à la machine - Gregory Wicky
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

L’art à la machine

12 0
26.08.2023

– Dis, ChatGPT, que va-t-il advenir des artistes maintenant que vous, les robots, vous leur devenez supérieurs dans tous les domaines créatifs?

«… just a moment, please…»

– C’est vrai qu’on leur botte les fesses. Ils n’auront qu’à trouver un vrai job, ces tocards. Et se couper les cheveux.

Dans la réalité, la réponse de la machine fut un peu moins péremptoire. Elle a prétendu ne jamais vouloir «remplacer l’inspiration et l’émotion humaines», désirer plutôt se «mettre à leur service» pour sublimer notre potentiel créatif. Balivernes de robot sournois! L’intelligence artificielle s’est déjà immiscée dans les arts à une vitesse délirante,........

© 24 heures


Get it on Google Play