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La COP28, la conférence des Nations unies sur le changement climatique, s'est tenue du 30 novembre au 13 décembre à Dubaï, l'un des sept Émirats arabes unis. Au cours de cette vaste réunion internationale, organisée chaque année dans un pays différent, la Chine est restée relativement discrète. Il n'était visiblement pas question pour elle, de proclamer qu'elle est le pays au monde qui émet le plus de gaz à effet de serre ou encore que, sur son sol, l'industrie ainsi que le chauffage urbain continuent d'avoir massivement recours au charbon.

Dans le monde, une bonne part du CO2 qui contribue au réchauffement climatique est largement la conséquence de la combustion du charbon émise dans l'atmosphère. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime à 8,53 milliards de tonnes la quantité mondiale de charbon consommée sur terre en 2023. Or en Chine, cette consommation, évaluée à 220 millions de tonnes, est en augmentation de 4,9% par rapport à 2022.

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L'Inde, avec une progression de 98 millions de tonnes, est en augmentation de 8%; pour l'Indonésie, avec 23 millions de tonnes, la hausse est de 11%. D'autres suivent la tendance inverse: à hauteur de 107 millions de tonnes, la consommation de charbon dans les pays de l'Union européenne a diminué de 23%, tandis que le chiffre de 95 millions de tonnes pour les États-Unis représente un recul de 21%. Ces diminutions concernant le monde occidental sont dues à un passage progressif à des centrales électriques ainsi qu'à un affaiblissement de l'activité industrielle.

Mais parallèlement, la Chine a une autre particularité qu'elle n'a pas spécialement cherché à mettre en avant à Dubaï: c'est l'importance de ses préoccupations et de son action en faveur de l'environnement. Depuis près de dix ans, les énergies alternatives se développent fortement sur le territoire chinois; en particulier, le recours à l'installation de centrales nucléaires y est massif. Au total, il y a, en Chine, des causes importantes de pollution, mais aussi d'importantes politiques pour y porter remède.

Quand, il y a une trentaine d'années, la Chine s'est lancée dans le développement à marche forcée de son économie, ses dirigeants ne se préoccupaient pas des atteintes à l'environnement que cela représentait. Mais autour des années 2015, dans de nombreuses villes chinoises, les chiffres de la pollution ont pris des proportions considérables. Des cas de détérioration de la santé humaine ont commencé à apparaître, et de nombreuses révoltes se sont déclenchées près de sites qui se révélaient particulièrement pollués. Les autorités politiques ont alors décidé de réagir.

Aussi autoritaire que soit le régime chinois, il ne peut laisser croître une pareille inquiétude dans le pays. Beaucoup d'usines polluantes ont été autoritairement fermées, d'autres ont dû déménager loin des villes. Actuellement, en Chine, l'activité économique est étroitement surveillée, autant que l'est la pollution qu'elle engendre.

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Dans cette situation, on semble estimer à Pékin que la Chine est certes aujourd'hui un pays qui peut connaître des phases importantes de pollution, mais que tout est fait pour qu'elles soient moins intenses qu'il y a quelques années. Surtout, la Chine est désormais en pointe pour combattre cette pollution avec efficacité. Il s'agit, au passage, de valoriser commercialement tous les savoir-faire chinois qui se sont développés –notamment en matière d'éoliennes ou de panneaux solaires, des domaines dans lesquels la Chine a racheté nombre de fabricants dans le monde.

À la COP28 de Dubaï, la délégation chinoise profitait de l'image de compétence que son pays a développée dans les domaines de la réduction de la pollution. Comme d'autres pays, la Chine avait installé un pavillon à l'expo City où se tenait cette conférence internationale. Dans différents stands, des instituts de recherche chinois ainsi que des entreprises ou des ONG présentaient les réponses climatiques possibles de la Chine, évoquant en particulier la coopération mondiale qu'elle peut proposer ou ce qu'elle peut réaliser au niveau du développement vert et à faible teneur en carbone.

Cette délégation chinoise était menée par Ding Xuexiang, vice-Premier ministre, qui est surtout l'un des sept membres du Comité permanent du bureau politique, l'organe suprême du Parti communiste chinois. En arrivant à Dubaï, il a rencontré le président des Émirats arabes unis, le cheikh Mohammed ben Zayed Al Nahyane, auprès duquel il a appelé à
«faire franchir une nouvelle étape à la coopération entre la Chine et les pays arabes».

Il a enchaîné en parlant du conflit israélo-palestinien, en déclarant notamment que «la Chine continuera de soutenir la juste cause et les efforts du peuple palestinien pour faire valoir ses droits nationaux, et de promouvoir la mise en œuvre rapide de la solution à deux États». Autant de déclarations qui ne correspondaient pas vraiment à l'ordre du jour d'une conférence sur le changement climatique. Le cheikh a cependant remercié la Chine pour sa juste position sur la question palestinienne, ajoutant que les Émirats arabes unis «sont disposés à travailler en étroite collaboration avec la Chine afin de faire conjointement progresser la paix et le développement».

Cependant, il y avait dans la délégation chinoise, au côté de Ding Xuexiang, un spécialiste chinois reconnu des questions d'environnement: Xie Zhenhua. Cet ingénieur de 73 ans, au visage jovial agrémenté de fines lunettes, est qualifié en Chine de «négociateur en chef» sur les sujets environnementaux. Depuis la COP13, qui s'était tenue à Bali en 2007, il participe pour la Chine aux discussions qui se déroulent dans chacune des conférences internationales sur le climat. Cette continuité renforce sa position par rapport à celle de la plupart des autres délégués qui changent au fur et à mesure des COP.

Naturellement, Xie Zhenhua connaît bien le délégué américain John Kerry, avec lequel il a eu de nombreuses occasions de rapprocher les points de vue chinois et américains sur les enjeux climatiques de la planète. Ce sont là des questions sur lesquelles le pouvoir communiste chinois et l'administration Biden ont régulièrement trouvé des points d'accord.

Le 15 novembre, avant la réunion de la COP28, les États-Unis et la Chine ont signé un accord bilatéral qui vise à développer le déploiement des énergies renouvelables et à faire progresser les projets de capture du carbone. En particulier, les deux pays s'engagent à «entamer immédiatement une coopération technique» sur la réduction des émissions de méthane.

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Après quoi la conférence de Dubaï a démarré, le 30 novembre, en décidant la création d'un fonds «pertes et dommages» qui doit permettre aux pays les plus touchés par les conséquences du réchauffement climatique d'obtenir des financements. La Chine a commenté favorablement ce dispositif.

Mais il y a, par ailleurs, des décisions prises dans les premiers jours de cette COP28, auxquelles Pékin n'a pas adhéré, sans pour autant les désapprouver. Le 2 décembre, une vingtaine de pays ont signé un appel non contraignant qui vise à tripler les capacités de l'énergie nucléaire d'ici 2050 par rapport à 2020. La réputation de celle-ci a beaucoup souffert de l'accident de la centrale japonaise de Fukushima en 2011.

L'appel lancé à Dubaï indique que le nucléaire revient en grâce. L'engagement de développer cette énergie propre a été signé par les pays qui possèdent des centrales nucléaires: les États-Unis, le Canada, en Europe principalement la France, mais également, dans le reste du monde, le Japon, la Corée du Sud ou les Émirats arabes unis –qui viennent de construire leur première centrale. De plus, de nombreux autres pays se sont ralliés à la perspective de produire à leur tour de l'énergie nucléaire.

Mais la Chine n'a pas signé ce document alors qu'elle est en tête des pays constructeurs de réacteurs nucléaires. Les dirigeants de Pékin n'ont sans doute pas souhaité se désolidariser de la Russie qui est en deuxième position, après la Chine, pour le nombre de centrales sur son sol. Or, à Dubaï, les pays signataires de cet appel au développement du nucléaire ne tenaient pas à y associer la Russie, devenue infréquentable depuis qu'elle a déclenché la guerre en Ukraine.

En s'abstenant de signer, Pékin se tient à l'écart d'un accord acquis au cours de cette conférence internationale sur le changement climatique. Une attitude totalement différente de ce qu'avait été le comportement chinois à la COP21 en 2015. Lors de cette réunion internationale qui se tenait à Paris, le président Xi Jinping était présent, ainsi que le président américain Obama et nombre d'autres chefs d'État et de gouvernement. Une négociation menée par le ministre français des Affaires étrangères d'alors, Laurent Fabius, avait amené 160 pays à ratifier un texte prévoyant de contenir «l'élévation de la température moyenne de la planète nettement au-dessous de +2°C».

À la fin de du sommet de Dubaï, c'est, après une longue négociation, un autre accord qui est apparu, portant sur une sortie progressive des énergies fossiles et auquel la Chine a accepté de se rallier. Il s'agit de mettre en place «une transition hors des énergies fossiles» et d'accélérer le processus «dans cette décennie cruciale, afin d'atteindre la neutralité carbone en 2050». C'est la première fois qu'une conférence climatique internationale évoque le sort à réserver aux énergies fossiles que sont le pétrole, le gaz et le charbon.

Dans les jours qui ont précédé cette décision finale de la COP28, plusieurs pays producteurs de pétrole ont cherché à limiter les perspectives de réductions de cette énergie, à commencer par l'Arabie saoudite. La négociation a permis de s'entendre sur le terme anglais de «transitioning away», qui se traduit par «sortie progressive» des énergies fossiles.

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Comme près de 200 pays, la Chine, qui produit de grosses quantités de charbon et qui, n'ayant pas de pétrole en importe beaucoup, a donc accepté les termes de l'accord final à Dubaï. Ses négociateurs ont cependant fait savoir qu'ils seraient particulièrement attentifs à ce que chaque pays puisse procéder à son rythme à la réduction de ses énergies fossiles. De leur côté, de nombreux pays en développement ainsi que des militants écologistes considèrent que l'accord aurait pu être plus contraignant et qu'il manque de détails.

Cependant, une des priorités de la Chine semble être de continuer à développer ses industries liées aux combats contre la pollution. D'abord, en vue d'un usage en Chine même, où les prévisions officielles indiquent que le pic des émissions de carbone devrait se produire en 2030 et la neutralité carbone intervenir en 2060. En attendant, sur le plan de son commerce international, la Chine ne perd pas de vue un souci constant de vendre le plus possible des technologies qu'elle produit dans ce domaine de la préservation de l'environnement.

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Sur le climat, la Chine est active mais discrète

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19.12.2023

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La COP28, la conférence des Nations unies sur le changement climatique, s'est tenue du 30 novembre au 13 décembre à Dubaï, l'un des sept Émirats arabes unis. Au cours de cette vaste réunion internationale, organisée chaque année dans un pays différent, la Chine est restée relativement discrète. Il n'était visiblement pas question pour elle, de proclamer qu'elle est le pays au monde qui émet le plus de gaz à effet de serre ou encore que, sur son sol, l'industrie ainsi que le chauffage urbain continuent d'avoir massivement recours au charbon.

Dans le monde, une bonne part du CO2 qui contribue au réchauffement climatique est largement la conséquence de la combustion du charbon émise dans l'atmosphère. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) estime à 8,53 milliards de tonnes la quantité mondiale de charbon consommée sur terre en 2023. Or en Chine, cette consommation, évaluée à 220 millions de tonnes, est en augmentation de 4,9% par rapport à 2022.

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L'Inde, avec une progression de 98 millions de tonnes, est en augmentation de 8%; pour l'Indonésie, avec 23 millions de tonnes, la hausse est de 11%. D'autres suivent la tendance inverse: à hauteur de 107 millions de tonnes, la consommation de charbon dans les pays de l'Union européenne a diminué de 23%, tandis que le chiffre de 95 millions de tonnes pour les États-Unis représente un recul de 21%. Ces diminutions concernant le monde occidental sont dues à un passage progressif à des centrales électriques ainsi qu'à un affaiblissement de l'activité industrielle.

Mais parallèlement, la Chine a une autre particularité qu'elle n'a pas spécialement cherché à mettre en avant à Dubaï: c'est l'importance de ses préoccupations et de son action en faveur de l'environnement. Depuis près de dix ans, les énergies alternatives se développent fortement sur le territoire chinois; en particulier, le recours à l'installation de centrales nucléaires y est massif. Au total, il y a, en Chine, des causes importantes de pollution, mais aussi d'importantes politiques pour y porter remède.

Quand, il y a une trentaine d'années, la Chine s'est lancée dans le développement à marche forcée de son économie, ses dirigeants ne se préoccupaient pas des atteintes à l'environnement que cela représentait. Mais autour des années 2015, dans de nombreuses villes chinoises, les chiffres de la pollution ont pris des proportions considérables. Des cas de détérioration de la santé humaine ont commencé à apparaître, et de nombreuses révoltes se sont déclenchées près de sites qui se révélaient particulièrement pollués. Les autorités politiques ont alors décidé de réagir.

Aussi autoritaire que soit le régime chinois, il ne peut laisser croître une pareille........

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