Dans un entretien publié sur RFI le 5 avril, M. Alain Policar, membre du Conseil des sages de la laïcité où il a été nommé par M. Pap Ndiaye, alors ministre de l’Éducation nationale, déclarait voir dans « le voile un vecteur d’émancipation pour les jeunes filles par rapport à leur milieu ».

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« Face au terrorisme, aux raisons d’avoir peur et à l’autocensure, il s’inquiétait des atteintes à la laïcité que sont pour lui aussi bien « le refus d'écouter un enseignement sur la théorie de l’évolution » qu’un « enseignement sur l’islam par exemple » : on notera dans ce second cas une inversion victimaire accusatoire sidérante mais classique dans laquelle ce serait l’islam qui serait la cible de l’agitation dans les classes lorsqu’on aborde certains sujets…

Pour M. Policar le problème vient du fait que « le système éducatif devrait être plus bienveillant vis-à-vis des élèves ». Et que face à la terrible intolérance républicaine « la tolérance moderne, ce serait accepter la diversité culturelle des valeurs et se poser la question de la coexistence avec les minorités ». Bref, il s’agit de remplacer la laïcité et l’universalisme par la coexistence des religions et le communautarisme. On voit le succès d’une telle vision aux États-Unis ou en Angleterre… L’affaire du Creil en 1989 fut le point de départ en France d’une guerre engagée contre l’école de la République. Dès ce moment, la tribune parue à l’époque dans Le Nouvel Obs, cosignée par Élisabeth Badinter, Élisabeth de Fontenay, Catherine Kintzler, Régis Debray et Alain Finkielkraut, « Profs ne capitulons pas », exprimait courage et lucidité face à la lâcheté des gouvernants de l’époque.

Samuel Paty et Dominique Bernard, enseignants de l’école de la République, ont été sauvagement assassinés par des islamistes. Face à la pression du « djihadisme d’atmosphère », le proviseur du lycée Maurice-Ravel est parti précocement à la retraite, pris dans le « pas-de-vague » et la peur. La jeune Samara a été battue il y a quelques jours pour n’avoir pas respecté les codes imposés par la doxa religieuse du quartier et sa mère, après avoir dénoncé cette agression pour ce qu’elle était, a dû rentrer dans le rang du ghetto communautaire en lisant, sur un plateau de télévision et dans un acte de contrition douloureux, un texte dont on imagine facilement qui en sont les auteurs : ceux du « Village de l’Allemand » de Boualem Sansal…

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L’islamisme et ses idiots utiles : aux uns l’agenda politique visant au séparatisme, aux autres l’esprit véritablement colonialiste d’assignation à résidence identitaire. Aux uns la peur et la mort pour moteur d’une entreprise fratricide, aux autres la lâcheté et le paternalisme méprisant, incapables de penser la liberté de conscience, d’imaginer que nos concitoyens de religion musulmane sont capables d’être traités comme les autres et d’atteindre à l’émancipation.

La peur est une peste des temps modernes qu’il faut combattre avec fermeté et lucidité. La loi de 2004, interdisant tout port de signe religieux ostensible dans l’enceinte de l’école publique, a permis deux choses. D’abord apaiser le fonctionnement dans l’école, entre ses personnels de direction, ses personnels administratifs, ses enseignants et leurs élèves. Elle a ensuite permis aux jeunes filles issues de familles de confession musulmane, comme l’a démontré l’économiste Éric Maurin, de connaître des progrès scolaires et de favoriser leur accès à des études supérieures.

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L’émancipation et le progrès social, voilà ce dont ne veut pas M. Policar. Le Conseil des sages de la laïcité, créé par Jean-Michel Blanquer alors ministre de l’Éducation nationale, contribue au soutien que doit la République à son école. M. Policar préfère lutter contre « l’islamophobie » plutôt que pour l’émancipation des femmes et leur refus d’un modèle patriarcal liberticide. M. Policar préfère soutenir la « liberté religieuse » plutôt que la laïcité et la liberté pédagogique qui s’articulent pour émanciper les élèves. M. Policar préfère l’autocensure pour les enseignants et le communautarisme pour les élèves.

M. Policar doit quitter le Conseil des sages de la laïcité, où il avait été nommé pour mieux le déstabiliser, de façon à laisser cet organe de l’État devenu une pièce essentielle du rétablissement d’un enseignement apaisé et libéré de la pression intégriste, produire sereinement un travail porteur de sens, utile aux enseignants. C’est sa fonction, vitale aujourd’hui pour l’école. Le Conseil des sages n’est pas un salon où l’on discute des mérites comparés de l’obscurantisme et de la laïcité. M. Policar ne peut plus participer au travail du ministère de l’Éducation nationale alors qu’il remet en cause une loi-phare, qui est le principal fondement de la légitimité du Conseil dont il est membre et qu’il est censé défendre.

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"M. Alain Policar doit démissionner du Conseil des Sages de la Laïcité de l’Éducation nationale"

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09.04.2024

Dans un entretien publié sur RFI le 5 avril, M. Alain Policar, membre du Conseil des sages de la laïcité où il a été nommé par M. Pap Ndiaye, alors ministre de l’Éducation nationale, déclarait voir dans « le voile un vecteur d’émancipation pour les jeunes filles par rapport à leur milieu ».

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« Face au terrorisme, aux raisons d’avoir peur et à l’autocensure, il s’inquiétait des atteintes à la laïcité que sont pour lui aussi bien « le refus d'écouter un enseignement sur la théorie de l’évolution » qu’un « enseignement sur l’islam par exemple » : on notera dans ce second cas une inversion victimaire accusatoire sidérante mais classique dans laquelle ce serait l’islam qui serait la cible de l’agitation dans les classes lorsqu’on aborde certains sujets…

Pour M. Policar le problème vient du fait que « le système éducatif devrait être plus bienveillant vis-à-vis des élèves ». Et que face à la terrible intolérance républicaine « la tolérance moderne, ce serait accepter la diversité culturelle des valeurs et se poser la question de la coexistence avec les minorités ». Bref, il s’agit de remplacer la laïcité et........

© Marianne


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