L’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande marque l’aboutissement de négociations entamées en 2018. Le commerce entre les deux parties s’élève à 9 milliards de dollars. Sil est jugé positif par la première projection effectuée par une étude de la Commission, l’impact économique reste modeste, comme l'écrit l'institution : « L’analyse économique suggère que l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande est susceptible d’avoir des effets positifs sur les économies de l’UE et de la Nouvelle-Zélande dans les scénarios ambitieux et conservateurs. D’ici 2030, par rapport au scénario de référence, le PIB réel ne devrait pas changer dans l’UE en termes relatifs dans l’un ou l’autre scénario, bien qu’il reste important en euros, de 1,8 milliard d’euros dans le scénario conservateur et de 3,9 milliards d’euros dans le scénario ambitieux. Pour la Nouvelle-Zélande, le PIB réel devrait augmenter de 1,3 milliard d’euros dans le scénario ambitieux et de 0,7 milliard d’euros dans le scénario conservateur ».

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D’ici à 2030, le gain de croissance reste très modeste même dans le scénario ambitieux. Globalement, les accords de libre-échange déjà ratifiés n’ont jamais montré des impacts significatifs sur la croissance économique de l’Union. Il suffit de se dire que, quand bien même les 3,9 milliards d’euros seraient obtenus, il faudra les ventiler sur vingt-sept pays, ce qui est modeste. Pour faire passer la pilule, la Commission se vante d’avoir protégé un grand nombre d’indications géographiques protégées. Mais l’étude d’impact de la Commission modère l’enthousiasme en indiquant que la croissance des échanges aurait des effets sur l’augmentation des gaz à effet de serre. « On s’attend à ce que l’ALE [accord de libre-échange] ait une incidence sur le changement climatique, principalement en raison de son impact sur le volume de l’activité économique dans le secteur agricole, en particulier dans les secteurs de la viande et des produits laitiers, car les deux contribuent à une part importante des émissions totales de GES [gaz à effet de serre] en Nouvelle-Zélande. »

Pire, lorsque l’on poursuit la lecture, on trouve ce type de propos peu rassurants : « Si cela devait finalement être convenu entre les parties, cela pourrait, théoriquement, avoir un impact positif sur le climat mondial. Cependant, comme aucune mesure concrète n’est précisée, nous ne pouvons pas nous prononcer sur l’efficacité de ce plan. » C’est un peu la stupéfaction qui prévaut lorsqu’on lit pareille chose. Pour une croissance modeste, les États sont donc prêts à mettre en danger un peu plus la situation climatique du monde. C’est donc un mélange d’inconscience et d’inconséquence qui guide les négociateurs, si l’on se fie à cette étude d’impact.

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Si l’on suit le travail de cette étude, il est intéressant de voir aussi la fragilité des outils méthodologiques utilisés pour évaluer l’impact social d’un pareil accord. Il est des parties presque savoureuses : « L’utilisation d’un modèle économique dans l’analyse sociale implique de faire certaines hypothèses et simplifications par rapport à la situation réelle, par exemple en ce qui concerne l’emploi total fixe dans l’économie, ce qui signifie que le chômage n’existe pas et que les travailleurs passent avec souplesse des secteurs en déclin aux secteurs en croissance. En réalité, les limitations de la mobilité des personnes (par exemple, entre les régions d’un pays), l’inadéquation entre les compétences offertes par les travailleurs et celles recherchées par les employeurs, le temps nécessaire à la formation (par exemple, le perfectionnement des compétences) et d’autres facteurs peuvent prolonger la transition entre les emplois et contribuer au chômage de courte ou de longue durée. »

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Ce sont donc de très beaux aveux sur la fiabilité de tout cela. Le lecteur appréciera que dans le modèle utilisé, « le chômage n’existe pas et que les travailleurs passent avec souplesse des secteurs en déclin aux secteurs en croissance ». Si l’on continue la revue de détail, on remarque que c’est l’agriculture européenne qui risque de souffrir de l’importation des produits néo-zélandais. D’autant plus que les agriculteurs de ce pays peuvent utiliser des substances chimiques bannies en Europe. Le monde agricole déjà en difficulté va devoir affronter un sérieux choc de concurrence. Pas de sanctions dans l’accord n’est prévu en cas de non-respect des normes sociales et environnementales. Les contreparties sociales et écologiques vantées par la Commission sont plus de l’ordre de la pétition de principe que de la réalité effective. Si certains députés européens ou membres de la Commission européenne mettent en avant le fait que l’accord obéit à une nouvelle logique commerciale plus soucieuse du social et de l’environnement, l’étude d’impact invite à modérer cet enthousiasme.

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Frédéric Farah : "Un mélange d’inconscience et d’inconséquence guide l'accord UE-Nouvelle-Zélande"

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01.02.2024

L’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande marque l’aboutissement de négociations entamées en 2018. Le commerce entre les deux parties s’élève à 9 milliards de dollars. Sil est jugé positif par la première projection effectuée par une étude de la Commission, l’impact économique reste modeste, comme l'écrit l'institution : « L’analyse économique suggère que l’accord de libre-échange entre l’UE et la Nouvelle-Zélande est susceptible d’avoir des effets positifs sur les économies de l’UE et de la Nouvelle-Zélande dans les scénarios ambitieux et conservateurs. D’ici 2030, par rapport au scénario de référence, le PIB réel ne devrait pas changer dans l’UE en termes relatifs dans l’un ou l’autre scénario, bien qu’il reste important en euros, de 1,8 milliard d’euros dans le scénario conservateur et de 3,9 milliards d’euros dans le scénario ambitieux. Pour la Nouvelle-Zélande, le PIB réel devrait augmenter de 1,3 milliard d’euros dans le scénario ambitieux et de 0,7 milliard d’euros dans le scénario conservateur ».

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D’ici à 2030, le gain de croissance reste très modeste même dans le scénario ambitieux. Globalement, les accords de libre-échange déjà........

© Marianne


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