Mercredi, le Conseil fédéral s’est drapé d’une moralité de pacotille en demandant au parlement d’interdire le Hamas en Suisse. Pourtant, nombre d’analystes avaient prévenu: une telle décision revient à priver la Suisse de tout rôle de médiatrice, que ce soit pour obtenir des accords humanitaires ou, à plus long terme, contribuer à une résolution du conflit. «On coupe le dialogue avec les Palestiniens or c’est à Genève, au siège de l’ONU, que l’on parle avec eux. Quel gâchis!» regrettait le 15 octobre dans nos colonnes Ricardo Bocco, professeur à l’IHEID1>L’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève..

Ce choix, sans précédent dans l’histoire suisse, porte la patte d’Ignazio Cassis, pro israélien notoire, qui, au plus fort des massacres à Gaza, a refusé d’exiger un cessez-le-feu au motif qu’Israël «a le droit de se défendre». Dans la foulée, notre ministre des Affaires étrangères a laissé entendre que le droit humanitaire, dont la Suisse est dépositaire, était inapplicable à Gaza, alors que 9000 personnes, la plupart des civil-es, avaient déjà succombé aux bombardements indiscriminés.

Reformulons, car il y a de quoi se frotter les yeux: d’un côté, le Conseil fédéral déclare illégale une organisation coupable de crimes de guerre, le Hamas, en raison de la «gravité des faits», écrit-il. De l’autre, le même gouvernement refuse de demander à Israël de stopper ses frappes aveugles – qui de toute évidence constituent des crimes de guerre à large échelle – et de lever le blocus inhumain de Gaza. Pas question non plus de reconsidérer la coopération militaire de la Suisse avec Israël.

Ce deux poids, deux mesures flagrant s’explique-t-il en partie par le fait que nous serions en présence – selon un imaginaire délirant aux relents coloniaux – d’un côté de barbares assoiffés de sang, et de l’autre d’un Etat démocratique qui, à son corps défendant, commet quelques ‘dommages collatéraux’?

Parallèlement, le Conseil fédéral suspend ses aides aux ONG palestiniennes de droits humains. Trois d’entres elles ont vu cette sanction confirmée, mercredi, sans justification convaincante pour l’instant. Ces organisations, dont le réputé Palestinian Center for Human Rights, documentent pourtant depuis des années la colonisation israélienne et les exactions des colons et de l’armée.

Cette annexion de facto s’est accélérée depuis le 7 octobre, le gouvernement de Benjamin Netanyahou profitant de l’occasion pour déloger des dizaines de communautés. Une situation qui rend plus illusoire chaque jour la solution à deux Etats dont se gargarisent dans le vide les Chancelleries occidentales depuis les accords d’Oslo de 1993, sans qu’aucune d’entre elles n’agisse en ce sens. Il va sans dire que la Suisse n’a pas brandi l’éventualité de mesures de rétorsion face à la recrudescence des déplacements forcés en Cisjordanie.

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QOSHE - Hypocrisie au sommet - Christophe Koessler
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Hypocrisie au sommet

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24.11.2023

Mercredi, le Conseil fédéral s’est drapé d’une moralité de pacotille en demandant au parlement d’interdire le Hamas en Suisse. Pourtant, nombre d’analystes avaient prévenu: une telle décision revient à priver la Suisse de tout rôle de médiatrice, que ce soit pour obtenir des accords humanitaires ou, à plus long terme, contribuer à une résolution du conflit. «On coupe le dialogue avec les Palestiniens or c’est à Genève, au siège de l’ONU, que l’on parle avec eux. Quel gâchis!» regrettait le 15 octobre dans nos colonnes Ricardo Bocco, professeur à l’IHEID1>L’Institut de hautes études internationales et du développement à Genève..

Ce choix, sans précédent dans l’histoire suisse, porte la........

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