Comment se fait-il qu’on parle d’écart de richesse important avec l’Ontario et qu’il faudrait le combler, alors que le Québec se situe bien en deçà du coût de la vie en Ontario ? Que l’on parle d’assurance automobile, d’assurance habitation, de garderie, du coût de l’électricité, du coût du logement, du coût de l’immobilier, etc. A-t-on vraiment besoin d’avoir les mêmes salaires ?, demande Alain Carpentier, un lecteur du Courrier de l’économie du Devoir.

Quand on parle d’écart de richesse, qui se chiffrait à 14 % favorisant l’Ontario en 2022, on ne se réfère pas aux salaires, mais davantage au niveau de vie, et la principale mesure utilisée est le PIB réel par habitant. On dit aussi que c’est une mesure de prospérité économique et qu’elle permet également de faciliter la comparaison avec d’autres économies. Avec ses limites et son imperfection, cet indicateur repose sur la notion de pouvoir d’achat et non, plus largement, de qualité de vie.

Cela dit, et la question de M. Carpentier est on ne peut plus pertinente, dans ce jeu de comparaison, à l’international on va ajuster les données selon un indice de parité des pouvoirs d’achat. Or, un tel indice appliqué aux provinces, qui permettrait de prendre en compte le différentiel de pouvoir d’achat du dollar canadien dans les différentes provinces (ici entre le Québec et l’Ontario) n’existe pas de manière officielle. Tout au plus a-t-on un indice d’écart du coût de la vie entre les villes. Mais en faisant des calculs pour introduire ce que l’économiste et professeur émérite de l’UQAM Pierre Fortin appellerait une parité interprovinciale du pouvoir d’achat, le niveau de vie au Québec serait plutôt supérieur (possiblement de quelque 2,5 %) à celui de l’Ontario en 2022, selon une unité de pouvoir d’achat identique. Dans cet exercice de réflexion de Pierre Fortin, l’écart serait plus que comblé.

Le différentiel d’inflation reste effectivement à l’avantage du Québec, avec un écart de l’indice des prix à la consommation (IPC) de 4 % en 2022. Il en coûtait plus cher en Ontario, notamment en matière de logement, d’achat d’une propriété, de dépenses courantes et des ménages, et du transport public.

Il s’est toutefois rétréci cette année, avec une évolution de l’IPC plus forte ici. Trois éléments évoqués parmi d’autres : D’abord l’introduction du programme de garderie par le gouvernement fédéral, les statistiques indiquant que le coût des services de garde a diminué de 2 % au Canada sauf au Québec, qui dispose déjà de son propre programme. Ensuite une correction plus forte du marché immobilier. Enfin une hausse des prix des aliments plus ressentie au Québec.

Dans le classement 2023 des grandes villes du monde selon le coût de la vie du cabinet Mercer, Toronto, au 90e rang mondial, est la ville la plus coûteuse au Canada, et ce, pour une deuxième année d’affilée, devant Vancouver au 116e rang. Le rang de Montréal (135e) et d’Ottawa (137e) est demeuré relativement inchangé alors que Calgary (137e) est la moins coûteuse des cinq villes canadiennes nommées dans ce classement.

Toronto pèse donc lourd. Les économistes de la Banque Nationale ont relevé que derrière l’écart de richesse de 14 % on retrouve un écart de 25 % entre le Grand Montréal et le Grand Toronto. Hors de ces centres urbains, il serait de 6 %.

Au niveau salarial, l’Institut de la statistique du Québec mesurait avant la pandémie un écart inférieur de près de 9 % pour un emploi à temps plein dans le secteur privé, de 12 % dans le secteur public, qu’il explique notamment par moins d’heures travaillées par les Québécois et par la taille des entreprises, la présence des grandes entreprises étant plus marquée dans l’économie ontarienne.

Dans l’exercice, on ne peut faire fi du modèle québécois plus redistributif, avec un portefeuille de programmes sociaux plus large, qui peut expliquer le positionnement du Québec au premier rang des provinces en matière de charges fiscales en pourcentage du PIB en 2022. La pression fiscale des administrations provinciales et locales, qui mesure tous les impôts et les cotisations sociales, se chiffrait à 22,3 % au Québec, contre 17,2 % en Ontario et 16,7 % pour la moyenne canadienne, souligne Statistique Canada.

Ce poids était toutefois en baisse par rapport à celui de 23,1 % en 2021, sous l’effet d’une hausse du PIB nominal plus élevée que celle des impôts et cotisations sociales. Cette diminution du poids de la charge entre ces deux années, de 3,5 % au Québec, est cependant inférieure à celle de 5,5 % mesurée pour l’Ontario, une différence qui n’est pas sans être influencée par une augmentation de 2,5 % du PIB québécois au prix du marché dans l’intervalle, contre 3,9 % pour le PIB ontarien.

Mais si, pour finir, l’on revenait à la seule donnée du PIB par habitant… il a déjà été écrit qu’une approche empruntant au coût d’opportunité apporte une certaine pertinence, voire une valeur certaine à l’accroissement de cette composante dans l’équation. La Chaire de recherche en fiscalité et en finances publiques a estimé qu’en 2022, s’il y avait eu absence d’écart de richesse avec l’Ontario, le Québec aurait récolté autour de 16 milliards de dollars de revenus autonomes additionnels, de quoi s’extraire du système de péréquation. « Cette somme aurait pu servir à combler la perte de péréquation [13,7 milliards de dollars en 2022-2023], à mieux financer les services publics, à réduire les impôts ou encore un mélange des trois. De plus, sur la base des proportions des composantes du PIB en 2022, le rattrapage du PIB réel par habitant se serait également traduit par une hausse récurrente des salaires évaluée à 9000 $ par employé », lit-on dans l’analyse.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

QOSHE - Y a-t-il réellement un écart de richesse Québec-Ontario? - Gérard Bérubé
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Y a-t-il réellement un écart de richesse Québec-Ontario?

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19.12.2023

Comment se fait-il qu’on parle d’écart de richesse important avec l’Ontario et qu’il faudrait le combler, alors que le Québec se situe bien en deçà du coût de la vie en Ontario ? Que l’on parle d’assurance automobile, d’assurance habitation, de garderie, du coût de l’électricité, du coût du logement, du coût de l’immobilier, etc. A-t-on vraiment besoin d’avoir les mêmes salaires ?, demande Alain Carpentier, un lecteur du Courrier de l’économie du Devoir.

Quand on parle d’écart de richesse, qui se chiffrait à 14 % favorisant l’Ontario en 2022, on ne se réfère pas aux salaires, mais davantage au niveau de vie, et la principale mesure utilisée est le PIB réel par habitant. On dit aussi que c’est une mesure de prospérité économique et qu’elle permet également de faciliter la comparaison avec d’autres économies. Avec ses limites et son imperfection, cet indicateur repose sur la notion de pouvoir d’achat et non, plus largement, de qualité de vie.

Cela dit, et la question de M. Carpentier est on ne peut plus pertinente, dans ce jeu de comparaison, à l’international on va ajuster les données selon un indice de parité des pouvoirs d’achat. Or, un tel indice appliqué aux provinces, qui permettrait de prendre en compte le différentiel de pouvoir d’achat du dollar canadien dans les différentes provinces (ici entre le Québec et l’Ontario) n’existe pas de manière officielle. Tout au plus a-t-on un indice d’écart du coût de la vie entre les villes. Mais en faisant des........

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