Le télétravail est demeuré cette année dans la liste des dossiers prioritaires des chefs de direction. Nombre d’entre eux souhaitaient un retour au bureau à temps plein, ne serait-ce que pour occuper des tours de bureaux trop vides et relancer l’activité des centres-villes. Plusieurs ont dû se résigner.

Un texte de La Presse canadienne (PC) publié en avril nous présentait un président et chef de la direction de la Banque Nationale inquiet de l’effet du télétravail sur la vitalité de la métropole. « Je m’inquiète pour le centre-ville de Montréal et je pense que la communauté d’affaires a une très grande responsabilité [d’assurer] le dynamisme de l’écosystème de Montréal », avait déclaré Laurent Ferreira.

Contrairement à d’autres institutions financières, le grand patron de la Banque Nationale entend toutefois conserver une approche flexible, préférant suggérer au personnel d’être en présentiel 40 % du temps. Ce qui ne l’a pas empêché de souhaiter un « meilleur équilibre », sous-entendant une présence au bureau dépassant ce seuil. Le président ajoute que le télétravail n’a pas eu d’effet défavorable sur la productivité des employés.

Il faut dire que l’institution vient de s’installer dans ses nouveaux locaux à la Place Banque Nationale, une tour de bureaux d’une quarantaine d’étages, dont le projet, annoncé en 2018, a impliqué un investissement de plus de 500 millions. Et qu’elle a annoncé la semaine dernière l’acquisition des espaces de bureaux et commerciaux de l’édifice situé au 700, rue Saint-Jacques à Montréal, adjacent à son nouveau siège social, qui emploie quelque 12 000 personnes.

En ce qui a trait aux tours de bureaux, ceux de la grande région montréalaise ont continué d’afficher un important taux de vacance en octobre. Selon les dernières données de l’agence immobilière CBRE relevées par Le Journal de Montréal, on trouvait au centre-ville un taux record d’inoccupation de 17,4 % au troisième trimestre, contre 16,1 % au même trimestre de 2022. Ce n’est guère mieux en banlieue, avec un taux d’inoccupation de 18,3 % contre 17 % un an plus tôt.

« À l’évidence, le navire est difficile à faire tourner. Nous, nous n’y sommes pas encore parvenus, mais je sens qu’il tourne dans la bonne direction », a commenté le p.-d.g. de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Michel Leblanc.

L’article du Journal reprend les données de la Chambre voulant que les deux tiers des grandes entreprises de Montréal exigent actuellement une présence au bureau de « deux à trois jours par semaine », en moyenne.

Dans le cadre de la neuvième enquête annuelle KPMG Global CEO Outlook, le cabinet de services professionnels a interrogé des dirigeants de 775 entreprises au Canada. Il en ressort que, si les chefs d’entreprise au pays et dans le monde restent déterminés à ramener davantage d’employés au bureau, le nombre de dirigeants canadiens qui prédisent un retour complet au travail en présentiel au cours des trois prochaines années n’est plus qu’à 55 %, contre 75 % il y a un an.

Pour accélérer cette tendance, 77 % d’entre eux, et 75 % des PME canadiennes, déclarent qu’ils sont très susceptibles ou susceptibles de recourir à des incitatifs tels que des affectations, des augmentations ou des promotions favorables en vue d’encourager leurs employés à occuper plus longuement leur bureau. La pénurie de main-d’oeuvre vient toutefois plomber les ardeurs, restant un obstacle majeur à la croissance selon les dirigeants. Après avoir réduit leurs effectifs l’an dernier en prévision de la récession, ces entreprises prévoient cette fois évoluer en mode embauche au cours des trois prochaines années. Du moins, c’est le cas pour 88 % des p.-d.g. des grandes entreprises, mais pour seulement 59 % des PME. Or, « la difficulté est de trouver les bonnes personnes pour les aider à être compétitifs dans une économie fondée sur la technologie et les services ». Ainsi « 77 % des p.-d.g. ont déclaré que les pénuries de main-d’oeuvre et le manque de travailleurs qualifiés constituent une menace pour les organisations canadiennes ».

Et pour nombre d’entre eux, l’immigration n’a pas été la solution qu’ils espéraient. Du moins dans les PME, puisque 84 % des répondants déclarent que, « malgré l’afflux d’immigrants au Canada, elles ne parviennent pas à trouver les talents dont elles ont besoin et 72 % recrutent directement à l’extérieur du Canada pour une main-d’oeuvre hautement qualifiée. Près des trois quarts [74 %] ajoutent que le coût de la vie élevé au Canada, dû principalement aux coûts prohibitifs du logement, rend “extrêmement difficiles l’attraction et la rétention des meilleurs talents”, y compris les travailleurs étrangers », poursuit KPMG

Chez les autres p.-.d.g. canadiens, on va plus loin en invoquant la hausse du coût de la vie comme la tendance socioéconomique la plus susceptible d’avoir un impact négatif sur la prospérité de leur organisation.

Le tout est à mettre dans la perspective que les jeunes générations comptent le plus grand nombre de personnes au sein de la population en âge de travailler (de 15 à 64 ans). Selon les projections de la Banque de développement du Canada, les millénariaux et les membres de la génération Z compteront pour près des trois quarts de la main-d’oeuvre en 2030. Ce qui n’est pas sans moduler le marché du travail, notamment sous forme d’un rééquilibrage travail-famille-loisirs. On parle aussi de l’importance du perfectionnement professionnel et du but associé au travail. Il en va ainsi pour la loyauté au travail, pour la rétention des employés et pour la souplesse ou la flexibilité dans les horaires.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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Les patrons se résignent sur la télétravail

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04.12.2023

Le télétravail est demeuré cette année dans la liste des dossiers prioritaires des chefs de direction. Nombre d’entre eux souhaitaient un retour au bureau à temps plein, ne serait-ce que pour occuper des tours de bureaux trop vides et relancer l’activité des centres-villes. Plusieurs ont dû se résigner.

Un texte de La Presse canadienne (PC) publié en avril nous présentait un président et chef de la direction de la Banque Nationale inquiet de l’effet du télétravail sur la vitalité de la métropole. « Je m’inquiète pour le centre-ville de Montréal et je pense que la communauté d’affaires a une très grande responsabilité [d’assurer] le dynamisme de l’écosystème de Montréal », avait déclaré Laurent Ferreira.

Contrairement à d’autres institutions financières, le grand patron de la Banque Nationale entend toutefois conserver une approche flexible, préférant suggérer au personnel d’être en présentiel 40 % du temps. Ce qui ne l’a pas empêché de souhaiter un « meilleur équilibre », sous-entendant une présence au bureau dépassant ce seuil. Le président ajoute que le télétravail n’a pas eu d’effet défavorable sur la productivité des employés.

Il faut dire que l’institution vient de s’installer dans ses nouveaux locaux à la Place Banque Nationale, une tour de bureaux d’une quarantaine d’étages, dont le projet, annoncé en 2018, a impliqué un investissement de plus de 500 millions. Et qu’elle a annoncé la semaine dernière l’acquisition........

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