Il se dégage des statistiques sur l’investissement responsable un biais accru braquant les projecteurs sur l’investissement dit d’impact. Pas étonnant. Mais de quoi parle-t-on au juste ?

L’investissement responsable se déploie en sept grandes stratégies ou approches. La plus connue et la plus employée est l’intégration des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Une déclinaison vient de l’investissement thématique ESG, qui va adopter une sélection d’entreprises plus ciblées. Suivent les avenues plus traditionnelles empruntant tantôt au filtrage négatif (par exclusion des entreprises), tantôt au filtrage positif (par inclusion) ou basé sur les normes (par exclusion). Enfin, une intervention plus directe va emprunter les voies de l’engagement (ou d’activisme actionnarial) et de l’investissement à impact, ou d’intention.

Dans le rapport de synthèse 2023 de l’Association pour l’investissement responsable, il ressort que la proportion de l’actif canadien sous gestion professionnelle gérée sous des critères d’investissement responsable est passée de 47 % à 49 % entre 2021 et 2022. On y mesure également une augmentation notoire de la proportion de répondants qui classent la recherche d’un impact social ou environnemental parmi leurs trois principales motivations, passant de 20 % en 2022 à 31 % en 2023. Étonnant ? Pas vraiment. Car le sondage indique également que les trois principaux obstacles à la croissance de l’investissement responsable restent encore, dans l’ordre, l’écoblanchiment, l’absence de cadres ou de normes standardisés de divulgation et le manque de données fiables. Bref, ces investisseurs souhaitent mesurer eux-mêmes — ou s’en remettre à des gestionnaires qui le font — si leur engagement produit réellement l’impact recherché.

Mais, on le devine, on parle d’un petit marché. À l’échelle mondiale. Il y a actuellement environ 1200 milliards de dollars d’actifs sous gestion dans le vaste domaine d’impact (contre 715 milliards en 2020), plus encore si l’on adopte une vision plus large, écrit Cara Williams, leader de la stratégie ESG mondial au cabinet de services-conseils Mercer. C’est un marché encore pointu ou de niche, difficilement accessible aux petits investisseurs. En fait, cette famille comprend une poignée de fonds communs d’investissement ou de fonds négociés en Bourse qui se déploient ici et là dans l’offre de certaines institutions financières, à laquelle on doit cependant ajouter le Fonds de solidarité FTQ et Fondaction.

Mais une fois cela dit, et globalement, environ 34 % de la somme canalisée par l’investissement d’impact est consacrée au capital-investissement (sous forme de placements privés) et environ 39 % à l’infrastructure, « de sorte que la majeure partie de l’argent dans ces domaines se trouve sur les marchés privés ou sur des marchés moins liquides. Le défi est de le rendre accessible au grand public », ajoute Mme Williams.

La spécialiste explique que l’investissement à impact diffère de l’ESG en étant particulièrement axé sur des résultats mesurés. « Même si le terme ESG est de plus en plus adopté par tous les secteurs de l’investissement, dans certains cas les nuances de l’investissement durable ont été perdues au milieu de mots à la mode, de résultats flous et, dans certains cas, d’exercices [d’écoblanchiment]. Dans l’investissement à impact, vous investissez avec une intention précise, dans des domaines dans lesquels vous souhaitez avoir un impact particulier. » Un rendement est attendu, auquel s’ajoute un « rendement social » venant d’une intention ou d’un objectif supplémentaire. Bref, un rendement qui n’est pas contraint à la maximisation du retour sur investissement.

Le cabinet spécialisé Addenda Capital a déjà associé le thème à « une approche de placement visant à générer intentionnellement à la fois un rendement financier et des retombées positives sur le plan social et/ou environnemental, et dont les effets sont activement et adéquatement mesurés ». On va donc plus loin que les placements intégrant les critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) avec, pour grande différence, l’intention d’obtenir ou de créer une valeur financière et sociale, et d’en mesurer les impacts sociaux.

Et on ne parle pas de philanthropie. Les investisseurs à impact vont rechercher des rendements concurrentiels. Le site Investopedia relève que les placements privés, par exemple, peuvent aisément générer des rendements surperformant l’indice S&P 500 de 15 %. Une autre étude, réalisée par l’Université de Californie, a calculé qu’un fonds à impact médian avait un taux de rendement interne à peine inférieur d’un point de pourcentage à celui d’un fonds médian sans impact. Dans son bilan 2023 regroupant plus de 300 investisseurs à impact cumulant un actif sous gestion de 371 milliards $US, le Global Impact Investing Network indique que la plupart d’entre eux disent dégager des résultats supérieurs ou conformes à leurs attentes tant au chapitre de la performance financière (79 % des répondants) qu’à celui de l’impact recherché (88 %). À peine 16 % rapportaient une sous-performance par rapport à leur cible financière, et 3 % par rapport à la mesure d’impact.

Ce texte fait partie de notre section Opinion, qui favorise une pluralité des voix et des idées. Il s’agit d’une chronique et, à ce titre, elle reflète les valeurs et la position de son auteur et pas nécessairement celles du Devoir.

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L'investissement d'impact, de quoi parle-t-on au juste?

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02.12.2023

Il se dégage des statistiques sur l’investissement responsable un biais accru braquant les projecteurs sur l’investissement dit d’impact. Pas étonnant. Mais de quoi parle-t-on au juste ?

L’investissement responsable se déploie en sept grandes stratégies ou approches. La plus connue et la plus employée est l’intégration des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). Une déclinaison vient de l’investissement thématique ESG, qui va adopter une sélection d’entreprises plus ciblées. Suivent les avenues plus traditionnelles empruntant tantôt au filtrage négatif (par exclusion des entreprises), tantôt au filtrage positif (par inclusion) ou basé sur les normes (par exclusion). Enfin, une intervention plus directe va emprunter les voies de l’engagement (ou d’activisme actionnarial) et de l’investissement à impact, ou d’intention.

Dans le rapport de synthèse 2023 de l’Association pour l’investissement responsable, il ressort que la proportion de l’actif canadien sous gestion professionnelle gérée sous des critères d’investissement responsable est passée de 47 % à 49 % entre 2021 et 2022. On y mesure également une augmentation notoire de la proportion de répondants qui classent la recherche d’un impact social ou environnemental parmi leurs trois principales motivations, passant de 20 % en 2022 à 31 % en 2023. Étonnant ? Pas vraiment. Car........

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