On ne sait pas encore si l’on assiste aux derniers feux d’une révolte ou à la montée en puissance d’un mouvement. Mais l’annonce d’un « siège » de Paris par les dirigeants de la FNSEA, d’ordinaire plus à l’aise avec le déversement de lait ou de lisier dans les cours des préfectures qu’avec la tactique révolutionnaire de l’encerclement des villes par la campagne, indique clairement que les annonces de Gabriel Attal n’ont pas éteint les braises de la colère dans le monde agricole.

Alors que le gouvernement et les usagers des transports contraints de quitter ou de traverser la capitale retenaient leur souffle devant l’annonce d’un blocage des « axes stratégiques » à compter de ce lundi, les paysans qui ont refusé de regagner leur ferme estiment à bon droit que le compte n’y est pas.

Comment pourraient-ils se satisfaire des vagues promesses de Matignon sur l’application plus stricte des lois Egalim, censées assurer des « prix justes » aux agriculteurs, ou sur la non-ratification du traité de libre-échange avec le Mercosur (le grand marché commun d’Amérique du Sud), quand le taux de marge de l’industrie agroalimentaire est passé de 28 % à 48 % en un peu plus d’un an ? Et alors que le gouvernement français a donné son aval à l’accord de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande, tandis que d’autres se négocient, comme avec le Chili ?

Dès cette année, pourraient ainsi être importées des antipodes des milliers de tonnes de viande et de produits laitiers à bas coût, bourrées d’atrazine ou de diflubenzuron, des intrants interdits sur notre sol en raison de leur toxicité pour les humains et les animaux. Un non-sens social et environnemental, quand la France a perdu un quart de ses éleveurs de bovins en une décennie, et que près d’un ménage agricole sur cinq vit sous le seuil de pauvreté.

Dans ces conditions, les annonces primo-ministérielles ont tout d’un double discours qui ne passe plus auprès des professionnels de la terre. Lesquels ne veulent pas seulement « moins de normes » ou « plus de simplification », mais de la clarté et de la cohérence dans ce qu’on attend d’eux, et le droit de vivre de leur métier.

Inscrivez-vous et recevez chaque matin dans votre boîte e-mail toutes les actualités de la journée à ne pas manquer.

QOSHE - Double discours - Sébastien Crépel
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Double discours

25 0
29.01.2024

On ne sait pas encore si l’on assiste aux derniers feux d’une révolte ou à la montée en puissance d’un mouvement. Mais l’annonce d’un « siège » de Paris par les dirigeants de la FNSEA, d’ordinaire plus à l’aise avec le déversement de lait ou de lisier dans les cours des préfectures qu’avec la tactique révolutionnaire de l’encerclement des villes par la campagne, indique clairement que les annonces de Gabriel Attal n’ont pas éteint les braises de la colère dans le monde agricole.

Alors que le gouvernement et les usagers des transports contraints de........

© L'Humanité


Get it on Google Play