Ma chère Raymonde,

Je te souhaite à l’occasion de tes 100 ans un très bon anniversaire. Si je profite de ma chronique dans le journal pour te le dire publiquement c’est que, toi-même, tu es devenue un personnage public. Le Parisien t’a consacré une page entière la semaine dernière et tu viens d’être le sujet d’un reportage dans C à vous sur France 5.

Pour ceux qui ne te connaitraient pas encore (aussi étonnant que ça puisse paraître, il existe encore des personnes qui n’ont jamais entendu parler de Raymonde Viret), je suis bien obligé de te présenter. Tu es professeur de chant. Dans ton appartement parisien de la rue du Pot-de-Fer, depuis plus de 40 ans tu donnes des cours. Quand je t’ai connu, il y a une quinzaine d’années, tu commençais souvent ta journée à 9 heures du matin, tu la finissais à 20 heures. Pour rire, je te demandais si tu avais le nombre de trimestres nécessaires à l’obtention de ta retraite. Je ne suis pas certain que tu savais de quoi je parlais, l’idée d’arrêter de partager ta passion pour le chant ne te traversant jamais l’esprit.

La chronique du temps présent de François Morel : "Un peu d’amour dans ce monde de brutes, merci Michel, merci Sandrine"

Aujourd’hui, tu ne donnes plus que six cours par journée, ce qui à ton âge (pardon de le rappeler) est tout de même pas mal.

Tes élèves sont parfois des chanteurs (Maxime Le Forestier est venu s’échauffer la voix tous les matins avant d’enregistrer l’un de ses derniers disques), parfois des comédiens (Jacques Weber notamment te voue une reconnaissance éternelle) et puis des profs, des avocats pour qui la voix est un outil de travail et puis également plein de personnalités aux profils les plus divers qui ont besoin de leur voix, ne serait-ce que pour s’exprimer…

Derrière ton piano, tu ne fais pas de cadeaux. Tu vois tout, entends tout : le manque d’appui, le souffle court, les épaules qu’on lève par erreur, la respiration haletante... Tu es cash, directe. Quand c’est nul, tu le dis. Quand c’est bien, un sourire merveilleux illumine ton visage. La voix est le reflet de l’âme, dis-tu et tu n’es pas seulement une pédagogue. Tu es l’amie, la confidente, celle qui écoute, celle qui comprend, décèle les failles, discerne les douleurs, détecte les tourments.
Je n’ai pas, jusque-là, été un élève idéal. Trop dispersé, trop dilettante… Tu avais pour moi des ambitions que je n’avais pas.

Je ne serai jamais Don José poignardant Carmen mais chaque fois que je me place derrière un micro je convoque ton enseignement pour m’aider à mieux me faire entendre.

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Ma chère Raymonde, je ne sais pas que te souhaiter d’autre que de rester ainsi, tout pareil. Intacte, présente, …vivante ! Une élève te souhaitait l’autre jour cent années supplémentaires. Tu n’y tiens pas du tout. Ta longue vie est belle, riche, bien remplie. Même si les joies sont inappréciables, les chagrins restent à jamais inconsolables.

Bon anniversaire Raymonde. Ton élève déficient, mais cependant reconnaissant, t’embrasse tendrement, affectueusement.

François Morel

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La chronique du temps présent de François Morel : "Ma chère Raymonde (Viret)" a 100 ans

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21.04.2024

Ma chère Raymonde,

Je te souhaite à l’occasion de tes 100 ans un très bon anniversaire. Si je profite de ma chronique dans le journal pour te le dire publiquement c’est que, toi-même, tu es devenue un personnage public. Le Parisien t’a consacré une page entière la semaine dernière et tu viens d’être le sujet d’un reportage dans C à vous sur France 5.

Pour ceux qui ne te connaitraient pas encore (aussi étonnant que ça puisse paraître, il existe encore des personnes qui n’ont jamais entendu parler de Raymonde Viret), je suis bien obligé de te présenter. Tu es professeur de chant. Dans ton appartement parisien de la rue du Pot-de-Fer, depuis plus de 40 ans tu donnes des cours. Quand je t’ai connu, il y a une quinzaine d’années, tu commençais souvent ta journée à 9........

© L'Echo Républicain


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