Dans sa récente conférence de presse, le président de la République a proféré trois énormités sur les émeutes de l'été passé :
- "Il y a eu une réponse implacable de la justice",
- "Pas un problème d'immigration, des jeunes de nationalité française",
- "Ces jeunes émeutiers s'ennuyaient".
Avant de réfuter ces assertions, une question : M. Macron dit-il cela pour enfumer, comme on dit familièrement, les médias et l'opinion ? Ou à l'inverse, est-il sincère ? L'ambiance actuelle à l'Élysée nous conduit à la seconde option. De fait : un président haïssant être contredit, entouré d'une cour imbue de son collectif génie et pensant survoler, de haut, la piétaille politico-administrative à ses ordres... Matignon, ah lala, quels pénibles... La police... magistrature... renseignement : des médiocres, au ras des pâquerettes... Le président, lui, en mode Albatros-Baudelaire "Exilé sur le sol au milieu des huées, Ses ailes de géant l’empêchent de marcher".
Ajoutons-y des médias aux ordres, édulcorant en rose pâle le rouge sang du terrain... Une com' Bisounours, par laquelle les criminels mutent en "délinquants", les assassins, en "auteurs", les tueries, en "rixes" où l'on "perd la vie" (comme ses clés) ; les fusillades, en "échanges de tirs" ; les braqueurs, cambrioleurs, émeutiers, en fuligineuses "personnes", qui ne détruisent ni n'incendient, mais "dégradent", face à de tout aussi anonymes "fonctionnaires". Des notes officielles livrées aux sommets en mode pastel... Un ministre de l'Intérieur fuyant le réel criminel... Tel est l'arrière-plan des énormités précitées ; sur lesquelles nous revenons à présent.
Réponse implacable de la justice - Triste farce : les médias reprennent gentiment l'Intérieur, pour qui "la majorité des émeutiers est inconnue de la justice". Mais ces arrestations n'ont rien d'un prélèvement scientifique, où on aspire de l'eau avec une pipette, voir si elle est saine. Milieu homogène : l'eau analysée dans l'éprouvette donne l'état du lac tout entier.
Or lors des émeutes, les bandes de cité viennent d'abord piller et tirer au mortier sur les forces de l'ordre. Ayant pigé que les keufs sont lents, et leurs manœuvres, plus encore, ces lascars aguerris savent qu'ils sont 40 minutes pour agir, puis se replier. Par curiosité, mimétisme ou recherche d'aubaines, restent ensuite sur le terrain divers badauds, niais, rôdeurs, etc. : ceux-là, qui se font d'usage "serrer", ne représentent en rien les émeutiers originels.
Les magistrats le savent et souvent, épargnent ces comparses servant juste au pouvoir à simuler la répression. Après, au tribunal ? Pour toute la France, du plus excité au plus mièvre, nous estimons ces émeutiers à 20 000 - 22 000 individus. Là-dedans, au fond du filet, benêts et lascars malchanceux font l'essentiel des mille à deux mille envois réels au tribunal. Aux mineurs, les juges donnent des convocations, avec "mises à l'épreuve éducative" ou (rares) contrôles judiciaires ; voire, des "stages de responsabilité parentale". Quand ces magistrats sont submergés, ils élargissent tout bêtement. Et comme les forces de l'ordre de terrain ne disposent bien sûr pas d'officiers de police judiciaire, les pillards arrêtés se voient demander leur identité, et peuvent répondre ce qu'ils veulent. Puis ils reçoivent une platonique convocation, à laquelle ils ont le choix de se rendre d'eux-mêmes... ou pas.
Telle est, dans les faits, "l'implacable répression" rêvée par le président Macron.
Des "jeunes de nationalité française", qui "s'ennuient"
533 communes ravagées (L'Intérieur n'en donne pas la liste). Les métropoles ont subi la plupart des émeutes et exactions ; dans leur orbite, les villes moyennes touchées ont un ou plusieurs de ces "quartiers sensibles" devenus des "annexes du 9-3" ; où une part de la jeunesse immigrée s'est criminalisée. De fait, la carte des émeutes correspond aux lieux donnant aux bébés le plus de prénoms arabo-musulmans. Un exemple entre cent : à Châlons-en-Champagne, dans le coupe-gorge dit "Quartier Émile Schmit" où éclate l'émeute, des "populations issues de Seine-Saint-Denis et de l'Essonne font la loi" : comme dans maints quartiers du nord de la Loire, les métastases de l'Île-de-France mènent la danse.
Émeutiers : villes moyennes, quartiers excentrés, meutes de 30 à 50 individus ; zones hors-contrôle majeures, des centaines et des interpellés "issus pour beaucoup de l'immigration". Seule nouveauté par rapport aux émeutes de 2005 : le pillage de masse des commerces et centres commerciaux. Dans ces quartiers, la police constate que, soi-disant "spontanément ameutés par la mort de Nahel", les émeutiers savent fort bien monter des traquenards, ériger les barricades, maîtriser la méthode des points de fixation, concentrés en un point puis dispersés ; et se géolocaliser sur Whatsapp et Telegram. Preuve que, lors des nuits de violences, les bandes de cités forment le moteur et le noyau dur des émeutiers, exécutant un schéma familier : protéger son point de deal, chasser la police et les bandes rivales.
Donc : une violence locale sans dirigeants nationaux ni revendications. Mais la douleur et la rage aveuglent-t-elles tant que cela ces "vengeurs de Nahel" ? Non : dans l'Est de la France, notamment à Reims, "Tous les commerces tenus par des ([fort dangereux] Tchétchènes ont été épargnés" ; venger Nahel, oui, mais prudence quand même...
Tels sont les "jeunes Français désœuvrés" du président Macron, lui, plus ou moins volontairement en mode aveuglement - concept à propos duquel nous rappelons pour conclure cette magistrale réflexion philosophique : « Il y a pire que la cécité, c’est l’aveuglement, qui croit voir – et voir de la seule façon possible - quand c’est pourtant cette croyance où il est qui lui bouche toute vue » Martin Heidegger, Qu’appelle-t-on penser, PUF, 1999.