Lorsqu’il a utilisé le concept de « décivilisation » emprunté avec un brin de désinvolture à la pensée de Norbert Elias, le président de la République s’est pris une volée de critiques de la part de la gauche l’accusant d’avoir emprunté le terme à « l’extrême droite », en particulier à Renaud Camus, écrivain et essayiste identitaire. Le refus de voir le risque de décivilisation, né d’une brutalisation de la société, est symptomatique du débat public actuel.

La guerre : brutalisation des codes

Deux ans après l’invasion de l’Ukraine, trois mois après le pogrom du Hamas dans le sud d’Israël ont ravivé aux limes de « l’Occident » le spectre d’une guerre généralisée. Il y a deux ans, nombre d’analystes faisaient profession d’augures en affirmant que la Russie n’attaquerait pas. Il y a quelques mois, d’aucuns analysaient l’action du Hamas comme une sorte de coup de maitre consistant à durcir sa position pour mieux négocier avec Israël. L’Orient compliqué est parfois analysé au prisme d’un orientalisme persistant et d’un simplisme inquiétant. Il est certain qu’aucun des acteurs en cause n’a la même relation distante avec la violence que celle qui est la nôtre.

Un système de soins qui s’enraye : la brutalisation par l’absence de soin

Notre système de soins fait cohabiter l’excellence du soin, souvent à la pointe des découvertes médiales, et des plannings de réception du patient lui laissant de moins en moins de place. Des pans entiers du territoire national sont privé de tissu médical. A 35 heures par semaine pour un médecin salarié par la puissance publique, il faudrait environ deux patriciens pour remplacer un médecin à l’exercice libéral. Or, à numerus clausus égal, le nombre d’heures de consultations est forcément inférieur à auparavant. De surcroît, une sélection des étudiants axée sur des matières comme les mathématiques ne fait que peu de cas de la vocation, pourtant essentielle dans l’exercice de la médecine. Les rues de nos villes témoignent d’un malaise psychique collectif profond : on ne compte plus les personnes au comportement erratique, soit sous influence chimique soit tout simplement victimes de troubles psychiatriques parfois socialement impressionnants dans leurs manifestations. Le système de psychiatrie hospitalière a été à ce point malmené (pour des raisons idéologiques ou comptables) qu’on ne sait que faire de cette population en détresse psychique, toujours dangereuse pour elle-même et parfois pour les autres.

La drogue : une brutalisation chimique de la société

Les sociétés « occidentales », nord-américaines ou européennes, sont des sociétés addictogènes. Elles ne font qu’expérimenter les prémices d’une sorte de retour de flamme des guerres de l’opium du XIXème siècle. Les chiffres sont aussi catastrophiques qu’objet d’un silence assourdissant. Si, aux Etats-Unis, on peut aisément parler de désastre humanitaire et si le Canada commence également à être sérieusement touchée, nos pays ne sont pas épargnés. Les chiffres astronomiques des prises opérées par la police, la gendarmerie ou les douanes cachent difficilement une imprégnation croissante de notre tissu social par les substances psycho-actives. Le Canada propose désormais le suicide assisté aux addicts… Rien, décidément, ne nous sera épargné dans le renoncement à la commune humanité.

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Spectre de la guerre, déroute de la psychiatrie et addiction généralisée : 2024 devrait être encore plus brutale

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03.01.2024

Lorsqu’il a utilisé le concept de « décivilisation » emprunté avec un brin de désinvolture à la pensée de Norbert Elias, le président de la République s’est pris une volée de critiques de la part de la gauche l’accusant d’avoir emprunté le terme à « l’extrême droite », en particulier à Renaud Camus, écrivain et essayiste identitaire. Le refus de voir le risque de décivilisation, né d’une brutalisation de la société, est symptomatique du débat public actuel.

La guerre : brutalisation des codes

Deux ans après l’invasion de l’Ukraine, trois mois après le pogrom du Hamas dans le sud d’Israël ont ravivé aux limes de « l’Occident » le spectre d’une guerre généralisée. Il y a deux ans, nombre d’analystes faisaient profession d’augures en affirmant que la Russie n’attaquerait pas. Il y a quelques mois,........

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