Atlantico : Nous avons tous entendu la sagesse populaire commune que lorsqu’il s’agit de former des partenariats romantiques, les contraires attirent. Des chercheurs de l’Université du Colorado, à Boulder, soutiennent que cette sagesse proverbiale est fausse, basée sur les résultats de leur étude de septembre, publiée dans la revue Nature Human Behavior. Cette étude montre que le niveau d'éducation et la consommation de substances psychoactives sont les caractéristiques les plus fréquemment partagées par les couples. L’adage selon lequel les opposés s’attirent est-il biaisé ?

Gérard Neyrand : On a effectivement une tendance sans doute dominante à l'homogamie, c'est-à-dire à ce que des personnes qui se ressemblent se mettent en couple, et notamment du point de vue du niveau socio-culturel, des études, donc du niveau d'études, même s'il faut faire attention aux comparaisons entre les pays anglo-saxons et notamment américain et la France, qui sont des contextes culturels très différents. Donc ce qui peut être valable aux États-Unis n'est pas forcément valable en France.

Comme le dit l'étude, d'autres critères de l'homogamie sont possibles dans la consommation de substances psychoactives. Et effectivement, on constate que les consommateurs de substances, quels qu'ils soient, qui peuvent aller de l'alcool à la cigarette jusqu'à des drogues plus ou moins illicites, sont plus fréquemment en couple ensemble que ce que leur consommation soit préalable à leur mise en couple ou qui se soient mis à consommer ensemble alors qu'ils étaient déjà en couple. Il y a tout un ensemble de facteurs qui font qu'aujourd'hui la constitution des couples se fait plus facilement, je dirais, à partir de facteurs de ressemblance qui ne sont pas forcément des facteurs socio-culturels, mais qui sont des facteurs qui peuvent être la même pratique, comme la randonnée, ça donne une occasion de se rencontrer et éventuellement de de se mettre en couple sur la base de cette pratique. Donc ça peut être des loisirs, ça peut être des formes d'orientation sexuelle, ça peut être des choses très différentes.

Il y a effectivement dans nos sociétés qui se sont énormément complexifiées, la possibilité de trouver un point commun avec d'autres des partenaires, et qui ne renvoie pas seulement au milieu social, que ce soit la profession ou le socioculturel ou d'étude, mais qui diversifie beaucoup plus les possibilités de proximité. Et ça va de pair avec le deuxième facteur que je voulais évoquer tout à l'heure concernant le contexte français. Mais là c'est aussi un facteur qui est mondial ou mondialisé, c'est l'ouverture des possibles par Internet et donc notamment par les réseaux sociaux et la possibilité de se rencontrer sur Internet. Avec la multiplication des sites de rencontres qui font que ça a ouvert quand même, alors là, ça a ouvert considérablement les possibilités de rencontres, y compris avec des personnes avec lesquelles on a une différence sensible. Et on voit, c'est intéressant avec le développement des rencontres sur Internet de deux logiques ou de deux mouvements qui divergent.

C'est-à-dire ?

En fait, on a un mouvement de diversification qui est lié au fait que ça permet d'ouvrir des rencontres avec des personnes qu'ordinairement on a peu de chances de rencontrer dans la vie quotidienne, puisque évidemment là, l'ouverture peut être maximale. Mais en même temps, avec la constitution des niches des sites qui sont des niches, c'est-à-dire qui spécifient le type de rencontre selon un critère particulier qui peut être une appartenance politique, une appartenance religieuse, une pratique de loisir, une pratique même alimentaire. Enfin, il peut y avoir énormément de critères à partir desquels se constituent des sites de rencontre. Là, au contraire, on a eu des tendances à une homogamie partielle, c'est-à-dire de personnes qui se rencontrent sur la base d'une ressemblance particulière.

Les différents facteurs évoqués sont-ils les mêmes qu'il y a plusieurs dizaines d'années ? Comment cela a-t-il évolué ?

Aujourd'hui, le positionnement des individus est beaucoup plus centré sur eux-mêmes et donc, en même temps, on demande au conjoint d'être un facteur de réalisation personnelle et d'épanouissement personnel. Il y a un niveau d'attente à l'égard du conjoint qui est plus élevé qu'autrefois, et ça aussi, bien sûr, plus le niveau d'attente est élevé, plus il est difficile de le satisfaire, ce d'autant plus qu'il est réciproque. Donc ça, bien sûr, ça favorise les séparations conjugales, c'est-à-dire qu'on va être amené à rechercher ailleurs ce qu'on ne pense pas trouver dans la personne avec laquelle on est.

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En amour, les opposés s’attirent beaucoup moins que ne le dit le dicton

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25.01.2024

Atlantico : Nous avons tous entendu la sagesse populaire commune que lorsqu’il s’agit de former des partenariats romantiques, les contraires attirent. Des chercheurs de l’Université du Colorado, à Boulder, soutiennent que cette sagesse proverbiale est fausse, basée sur les résultats de leur étude de septembre, publiée dans la revue Nature Human Behavior. Cette étude montre que le niveau d'éducation et la consommation de substances psychoactives sont les caractéristiques les plus fréquemment partagées par les couples. L’adage selon lequel les opposés s’attirent est-il biaisé ?

Gérard Neyrand : On a effectivement une tendance sans doute dominante à l'homogamie, c'est-à-dire à ce que des personnes qui se ressemblent se mettent en couple, et notamment du point de vue du niveau socio-culturel, des études, donc du niveau d'études, même s'il faut faire attention aux comparaisons entre les pays anglo-saxons et notamment américain et la France, qui sont des contextes culturels très différents. Donc ce qui peut être valable aux États-Unis n'est pas forcément valable en France.

Comme le dit l'étude, d'autres critères de........

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