L’année 2024 : quel avenir pour la France et le monde ?

Coïncidence du calendrier, l’année 2024 commence sous les auspices du dragon, vénéré dans l’ensemble du monde sinisé pour ses bienfaits mais aussi pour la réputation qu’on lui prête d’amener avec lui des changements importants. Calendrier lunaire oblige, ce signe qui se répète tous les 12 ans, fait écho d’un point de vue des croyances qui ont cours dans cette partie du monde avec l’année 2012. Rétrospectivement, la Chine devait considérablement changer avec l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. Douze ans encore plus tôt, en l’an 2000, la Chine s’apprêtait à adhérer à l’Organisation Mondiale du Commerce. Or on le sait, cette adhésion a profondément modifié les rapports de forces au niveau économique et mondial. Qu’est-ce à dire ? Que l’année qui s’ouvre, et durant laquelle vont se poursuivre les deux conflits que nous savons - Ukraine et Palestine - va très certainement provoquer par capillarité des tensions dans les régions périphériques, que ce soit dans l’Union Européenne ou au Moyen-Orient. Fondamentalement, les élections présidentielles américaines, et encore moins celles qui auront lieu en Russie, dans les mois à venir, ne changeront en rien l’état de dégradation des relations entre les belligérants. Sauf naturellement si Donald Trump venait à être élu. Une volte-face serait alors à craindre dans le financement de la guerre en faveur de l’Ukraine. Même si les sondages semblent donner des chances au candidat républicain, il ne s’agit précisément que de sondages. Et il n’est absolument pas sûr non plus que d’une manière ou d’une autre ce candidat à la Maison Blanche ne soit empêché et qu’il ne puisse parvenir ainsi à la fonction suprême.

Pure spéculation peut être mais une chose est certaine en revanche concernant les choix de politique étrangère américaine : qu’il soit démocrate ou républicain, le futur Président donnera une priorité absolue à la question chinoise. Le reste est secondaire ou presque, surtout le conflit israélo-palestinien pour lequel, on l’a bien compris, aucun acteur régional – pas même l’Iran – ne souhaite que la guerre de représailles massives menée par Tsahal ne dégénère. Les pressions vont donc s’accentuer essentiellement contre la Chine ; laquelle sera tentée de renforcer ses relations avec la Russie. D’une manière sans doute disproportionnée, on verra la diplomatie chinoise mener une opération de charme vis-à-vis des Européens, et surtout des Français. Paris et Pékin ne s’apprêtent-ils pas à célébrer le soixantième anniversaire de l’établissement de leurs relations diplomatiques ? Emmanuel Macron a par ailleurs rappelé à qui voulait l’entendre que la France ne se laisserait pas embarquer dans un conflit qui opposerait Taïwan au continent chinois. La France partage avec les autres démocraties occidentales des valeurs communes mais certainement pas les mêmes intérêts. Difficile, en réalité, de trouver une troisième voie, une voie autre que celle assignée par les États-Unis ou la Chine. Rien de très nouveau en cela. Cette volonté de ne pas emboîter le pas des puissances dominantes reste traditionnellement gaullienne. C’est à dire fondamentalement pragmatique.

Et pour une raison simple : la France ne peut prendre le risque d’insulter l’avenir. Elle doit parler à tous et penser d’abord et avant tout à l’avenir de ses relations et de ses propres intérêts. Quels sont-ils ? Ceux attachés au respect de sa souveraineté économique et stratégique. En la matière, des efforts importants ont été faits car la terrible pandémie, achevée il y a moins de deux ans, nous a rappelé notre très grave vulnérabilité, notre très grande dépendance vis-à-vis de pays tiers. Mais nous n’allons pas assez vite pour assurer notre autonomie. Le chômage nous rattrape et la guerre que nous menons par procuration contre la Russie nous affaiblit. Guerre d’usure dont le maître du Kremlin est passé maître et pour laquelle notre industrie ne sait pas répondre au rythme qui conviendrait. Tous les experts militaires le disent : en cas de conflit direct contre la Russie, et faute de moyens, notre armée serait enfoncée en moins de quinze jours. La priorité, on l’aura compris, sera pour cette année et celles qui suivront d’inciter la France à se réarmer. Économiquement bien sûr et ce, dans tous les domaines. On parle avec raison du développement des industries du futur, de l’implantation d’un géant taïwanais fabricant de microprocesseurs dans la région de Dunkerque. S’il faut s’en réjouir, cela n’est pas suffisant. Avons-nous pensé à notre autonomie alimentaire ? Avons-nous suffisamment de stocks en cas de coup dur ou de catastrophes naturelles ?

Quand bien même nous annoncerait-on une auto-suffisance possible, nous devons penser à l’avenir. Et cet avenir se conjugue avec l’après-guerre en Ukraine. Lorsque cette guerre sera finie (car toute chose, bonne ou mauvaise a une fin), l’Ukraine sera un géant agricole, des pays riverains comme la Roumanie auront largement profité des exportations ukrainiennes et la Russie, malgré les sanctions, aura taillé des croupières aux céréaliers français. Nos dirigeants se préparent-ils à cette issue ? Ce réarmement est également de nature psychologique. Il incombe aux enseignants de notre pays de sensibiliser nos jeunes et nos dirigeants aux grands enjeux contemporains. D’une manière générale, nos étudiants ne savent pas grand-chose sur la Chine, l’Inde ou l’Iran. Leur déficit de connaissances sur l’état du monde est abyssal. Ils vivent encore dans l’illusion que leur ont transmis leurs parents et grands-parents (baby-boomers galvanisés par le modèle néo-libéral) selon laquelle l’Occident est le parangon de toutes les vertus. Ils n’ont toujours pas saisi que depuis les attentats du 11 Septembre, une majorité dans le monde (et pas seulement des terroristes radicalisés) rejetait en bloc notre modèle politique et notre attachement aux droits de l’Homme. Nos jeunes vivent encore dans un monde hors sol, qui est aussi celui des bisounours. Nous devons les aguerrir. Loin de nous l’idée de les endoctriner en les biberonnant à un nationalisme servile comme le sont les jeunes coréens, chinois ou russes à grand renfort de propagande mais l’accueil des JO sur notre territoire sera sans doute l’occasion de cultiver notre singularité et de dire face au monde la fierté de notre appartenance. En soudant la France hexagonale et ses outremers, ses multiples archipels trop souvent décrits comme un aveu de faiblesse et qui, bien au contraire, pourraient être la démonstration que notre unité se fait aussi dans la préservation de sa diversité. Or cette diversité est aujourd’hui sous utilisée : combien d’agents d’origine asiatique, africaine ou arabe dans nos ministères, dans nos corps d’armée, parmi nos officiers supérieurs, dans nos collectivités municipales et provinciales ? La France, terre de Révolutions, n’en est pas moins restée très conservatrice. C’est un pays de baronnies où le principe républicain de l’égalité des chances est pour beaucoup au mieux un mythe, au pire une fiction. Même observation pour les classes moyennes dont le statut social n’a cessé de se marginaliser et dont la frustration fait le lit des extrêmes, du populisme, de la démagogie la plus vulgaire.

Au risque de voir la colère et l’injustice se développer un peu plus dans le pays, ce travail de réarmement psychologique doit être par ailleurs entrepris par nos dirigeants qui ont fait preuve durant ces dernières décennies d’une naïveté déconcertante. Ont-ils été suffisamment sensibilisés à l’intelligence économique ? Sont-ils conscients qu’un partenaire est potentiellement et avant tout un concurrent voire un adversaire mortel et ce, qu’il soit Chinois, Allemand ou Américain ? Nous devons protéger notre savoir-faire mais aussi le faire-savoir. Y travaillons-nous assez ? La réponse est non. Soit par absence de patriotisme, soit par démission morale voire les deux. Alors que nous avons des atouts exceptionnels et une capacité d’adaptation très grande. La preuve : nos meilleurs ingénieurs s’installent à l’étranger, y fondent des start-ups novatrices parfois pour le plus grand bénéfice des pays concurrents. Comment stopper cette hémorragie ? On aura beau dire, non sans vantardise, que la France est le plus beau pays du monde, et que son cadre de vie est unique, ce ne sont pas des conditions suffisantes d’autant que la réalité prouve hélas de plus en plus le contraire. Il est en revanche capital pour retenir nos élites de travailler sur le fond, c’est-à-dire dans le choix d’une revalorisation des traitements et des salaires. La situation financière par exemple des enseignants dans notre pays, du primaire au niveau universitaire est une honte absolue. Hélas le plus grand nombre de nos concitoyens manifeste à leur égard une indifférence coupable. Comment recréer du lien, comment revaloriser les savoirs et les principes d’autorité si le cœur même de la fonction des enseignants n’est pas respectée ?

2024 sera donc une année décisive que ce soit dans les choix de politique extérieure par des innovations diplomatiques innovantes. De ce point de vue les initiatives d’Emmanuel Macron en Asie centrale, tout particulièrement, portent déjà leurs fruits. Il nous faut continuer. C’est cette forme de guérilla diplomatique qui doit inspirer les Français dans tous les domaines y compris dans leurs initiatives économiques dont l’Etat peut fédérer les énergies. Mais pour cela, il nous faut changer de culture. Nous devons désormais avoir une culture de conquérants, porteurs de savoirs et d’espérance. Parce que nous sommes Français, parce que nous sommes souverains et que nous ne devons pas déchoir. Notre rôle est d’être au premier rang et en cette année 2024 la France, face au monde, saura, soyons en sûrs, s’y employer.

QOSHE - Moyen-Orient, Russie, Chine, Afrique et cie : et la priorité pour la diplomatie française en 2024 devrait être… - Emmanuel Lincot
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Moyen-Orient, Russie, Chine, Afrique et cie : et la priorité pour la diplomatie française en 2024 devrait être…

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07.01.2024

L’année 2024 : quel avenir pour la France et le monde ?

Coïncidence du calendrier, l’année 2024 commence sous les auspices du dragon, vénéré dans l’ensemble du monde sinisé pour ses bienfaits mais aussi pour la réputation qu’on lui prête d’amener avec lui des changements importants. Calendrier lunaire oblige, ce signe qui se répète tous les 12 ans, fait écho d’un point de vue des croyances qui ont cours dans cette partie du monde avec l’année 2012. Rétrospectivement, la Chine devait considérablement changer avec l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping. Douze ans encore plus tôt, en l’an 2000, la Chine s’apprêtait à adhérer à l’Organisation Mondiale du Commerce. Or on le sait, cette adhésion a profondément modifié les rapports de forces au niveau économique et mondial. Qu’est-ce à dire ? Que l’année qui s’ouvre, et durant laquelle vont se poursuivre les deux conflits que nous savons - Ukraine et Palestine - va très certainement provoquer par capillarité des tensions dans les régions périphériques, que ce soit dans l’Union Européenne ou au Moyen-Orient. Fondamentalement, les élections présidentielles américaines, et encore moins celles qui auront lieu en Russie, dans les mois à venir, ne changeront en rien l’état de dégradation des relations entre les belligérants. Sauf naturellement si Donald Trump venait à être élu. Une volte-face serait alors à craindre dans le financement de la guerre en faveur de l’Ukraine. Même si les sondages semblent donner des chances au candidat républicain, il ne s’agit précisément que de sondages. Et il n’est absolument pas sûr non plus que d’une manière ou d’une autre ce candidat à la Maison Blanche ne soit empêché et qu’il ne puisse parvenir ainsi à la fonction suprême.

Pure spéculation peut être mais une chose est certaine en revanche concernant les choix de politique étrangère américaine : qu’il soit démocrate ou républicain, le futur Président donnera une priorité absolue à la question chinoise. Le reste est secondaire ou presque, surtout le conflit israélo-palestinien pour lequel, on l’a bien compris, aucun acteur régional – pas même l’Iran – ne souhaite que la guerre de représailles massives menée par Tsahal ne dégénère. Les pressions vont donc s’accentuer essentiellement contre la Chine ; laquelle sera tentée de renforcer ses relations avec la Russie. D’une manière sans doute disproportionnée, on verra la diplomatie chinoise mener une........

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