Pourtant Huguenin ne s’aimait pas (NDLR).

L’accomplissement : chez Huguenin, une spécialité maison. L’auteur- victime d’un accident de la route à vingt-six ans-, a sur les êtres humains et le monde en général (jusqu’à la pierre au bord du chemin», aurait dit Balzac)un regard juste, toujours profond. Dans « La Côte Sauvage » ( Le Livre de Poche) et « Journal » (oui, on peut se procurer le dairy du jeune prodige), comme dans « Les enfant de septembre (roman inédit qui fut confié par les ayants-droit d’Huguenin à la Bibliothèque Nationale avant d’être publié chez Bouquins), l’ introspection règne : chez Huguenin, l’intériorité est LE moteur de l’action. Comme l’auteur a l’humeur chagrine et qu’il ne se plaît pas, les paysages comme les êtres sont plus ou moins tourmentés, inquiétants ; les « forts » ont le regard qui tremble tel Huguenin. Jean-René préfère les « forts » ( secrètement faibles) aux lâches que leur petitesse ontologique oblige à mentir. Le menteur peut d‘ailleurs devenir grand- les faibles font parfois de leurs illusions un chef- d’œuvre (Proust), mais Jean-René adore les forts au regard doux (les subtils en somme (Proust encore). Huguenin (beau en plus !) plaisait, mais ne se plaisait guère, d’où la force de sa littérature.( ici photo aux éditions du Seuil ?)

Huguenin a beau être mort, il vit en chacun de ses lecteurs. Rien ne se démode chez lui, pas même un battement de cils devant la femme aimée, pas de chance c’est sa sœur- donc un inceste-, le tout enclos en ces paysages tourmentés -eux aussi- de la « Côte sauvage ».Il y a la France et la Côte sauvage. L’un de plus beaux endroits du monde. Peu d’auteurs parviennent à égaler cette respiration stylistique de Huguenin, la perfection du récit, car l’éternel jeune homme en blouson de plage a le regard perçant donc une sacrée voix. On rougit de le rappeler, mais sans voix, il n’y a personne, rien… Sans voix, l’auteur doit éviter la fiction. L’art du roman, Huguenin l’a dans le cœur. Le tout sans efforts apparents. Jean-Edern Hallier et Mauriac ne s’étaient pas trompés. Écoutons un lecteur sous le charme : « La lucidité de Jean-René Huguenin est quasi chirurgicale : hypocrite, lâche, misérable en somme, au regard des ambitions de la jeunesse, exaltée, toute-puissante dans la certitude d'atteindre ses idéaux, idéauxque la société va réduire à ce qu'elle est elle-même, médiocre et limitée : un inéluctable naufrage »

Huguenin est assez peu connu du grand public et c’est dommage.

Nationalité : France

Né(e) à : Paris , le 1-03-1936

Mort(e) le : 22-09-1962,nous rappelle l’excellent site Babelio à son sujet. W≤Jean-René Huguenin est bel et bien un fort au « regard qui tremble » ( sa délicatesse le perdit). Il possède ce que très peu de romanciers imposent naturellement : une écriture qui rassemble : « Huguenin, qui participa à la création de la revue Tel Quel avec Philippe Sollers, Jean-Edern Hallier et Renaud Matignon, écrivit aussi, à partir de 1954, plus d'une centaine d'articles pour des revues littéraires dont la plupart n'avaient jamais été recueillis en volume et qui sont ici rassemblés. Si l'œuvre de Jean-René Huguenin possède encore tant de puissance et a gardé une telle résonance, c'est, comme le souligne Michka Assayas dans sa préface (Bouquins), parce qu'elle n'a cessé de faire écho à " nos angoisses contemporaines " tout en exprimant " l'espoir et la lumière ".

JRH ? = ce rébus signifie : je rends heureux ».

Annick GEILLE

Repères Jean-René Huguenin (Cf. Decitre.fr )

« Jean-René Huguenin, né en 1936, fut un prodige des lettres avant de trouver la mort, à l'âge de vingt-six ans, dans un accident de voiture. Il a conservé depuis, génération après génération, un public passionné par son unique roman publié en 1960, La Côte sauvage, récit aussi lumineux qu'inquiétant, et par son Journal posthume. Cette œuvre aussi courte que puissante avait été saluée par les plus grands, de Julien Gracq à François Mauriac. En 2022, Bouquins a rassemblé son roman, des lettres et l'intégralité de ses articles, en révélan d’autres romans inédits don« Les Enfants de septembre » = une révélation ». Olivier Wagner est conservateur au département des manuscrits de la BnF. Il a établi l'édition des oeuvres de Jean-René Huguenin pour la collection Bouquins en 2022. (…) et a préfacé ce roman inédit qu’était à sa parution en octobre 2023 « Les enfants de septembre ».

Extrait « Les enfants de septembre » ( Bouquins)

Titre extrait :

Las et triste, il se laissa taquiner sans rien dire

« Tandis que Philippe revenait chez lui, toute sa hargne tomba. Il était monté dans le cabriolet de Christian, avec Odile et le petit oncle. Las et triste, il se laissa taquiner sans rien dire. Il découvrait soudain que son frère s’en allait pour jamais, emportant avec lui la moitié de leur enfance, et qu’il ne le reverrait plus rentrer chaque soir pour dîner, laver ses mains soignées, enfiler sa veste d’intérieur, qu’il n’entendrait plus sa voix

Extrait de la préface d’Olivier Wagner pour « Les enfants de septembre » (Bouquins) :

« Le projet du livre était d’une grande ambition.Il s’agissait de suivre l’existence d’un personnage central, Philippe, de son enfance à l’âge adulte, de l’idéal de la jeunesse aux capitulations de la maturité. Cette capitulation triste de l’impossibilité de s‘élever au-dessus de soi-même n’était pas sans rappeler la prose de Louis dans « Les voyageurs de l’impériale ». Dans ses notes préparatoires, Jean-René Huguenin résumait pour lui-même son projet : « Au fond, le thème général est le vieillissement.Orgueil et violence d’une jeunesse farouche, exagérée, l’inévitable déception sentimentale,suivie de la non moins inévitable erreur sentimentale : le mariage.De là, l’ennui, la mauvaise conscience du confort, parallèle à un certain dessèchement.

C’est tout simplement l’histoire d’un homme qui vieillit. »

Pour ceux qui n’ont pas lu son premier roman, écrit à vingt-trois ans, voici un court extrait de « La Côte sauvage » de Jean-René Huguenin ( Le Livre de Poche). Bonne fin d’année ! AG

Titre Extrait

Il avait attendu trois heures cette phrase unique

« Ils se baignaient vers midi, Pierre revenait déjeuner au manoir. L’après-midi, quand ils ne retournaient pas tous les trois sur la plage, ils se promenaient dans la lande, toujours tous les trois, et entre les fougères que l’été commençait à brunir, le mince sentier des douaniers les emmenait vers quelque cap, Olivier, puis Anne, puis Pierre, au-dessus d’une mer lisse, glacée de soleil, et ramenait dans le soir leurs pas absorbés, silencieux, leurs visages baissés. Olivier, puis Anne, puis Pierre, jusqu’à la barrière blanche où ils se séparaient. Depuis que Louise, la domestique des Aldrouze, était revenue de Quimper où elle avait passé huit jours dans sa famille, Anne pouvait dîner presque chaque jour chez Pierre. Olivier restait seul, le soir, à l’attendre, assis dans le salon, tournant les pages d’un livre déjà lu, écoutant le silence auquel seul un chien répondait, dans la campagne fourmillante de nuit. Soudain un bruit montait, feutré, régulier et doux, s’épanouissait dans un crissement de gravier, trois petites notes claires tintaient contre les marches du perron, la porte s’étirait en grinçant – puis, durant une prodigieuse seconde tout s’arrêtait – et aussitôt elle était là, debout dans la lumière, et sa voix seule emplissait la pièce. « Tu n’es pas encore couché ? » Il avait attendu trois heures pour entendre cette phrase unique ».Jean-René Huguenin/ premier roman/ »La Côte sauvage » ( Le Livre de Poche)

Copyright Jean-René Huguenin « Les Enfants de septembre », roman inédit (Bouquins),300 pages/21 euros/ Toutes librairies et « La Boutique ».

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Jean-René Huguenin : « J’aime les forts au regard qui tremble »

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03.12.2023

Pourtant Huguenin ne s’aimait pas (NDLR).

L’accomplissement : chez Huguenin, une spécialité maison. L’auteur- victime d’un accident de la route à vingt-six ans-, a sur les êtres humains et le monde en général (jusqu’à la pierre au bord du chemin», aurait dit Balzac)un regard juste, toujours profond. Dans « La Côte Sauvage » ( Le Livre de Poche) et « Journal » (oui, on peut se procurer le dairy du jeune prodige), comme dans « Les enfant de septembre (roman inédit qui fut confié par les ayants-droit d’Huguenin à la Bibliothèque Nationale avant d’être publié chez Bouquins), l’ introspection règne : chez Huguenin, l’intériorité est LE moteur de l’action. Comme l’auteur a l’humeur chagrine et qu’il ne se plaît pas, les paysages comme les êtres sont plus ou moins tourmentés, inquiétants ; les « forts » ont le regard qui tremble tel Huguenin. Jean-René préfère les « forts » ( secrètement faibles) aux lâches que leur petitesse ontologique oblige à mentir. Le menteur peut d‘ailleurs devenir grand- les faibles font parfois de leurs illusions un chef- d’œuvre (Proust), mais Jean-René adore les forts au regard doux (les subtils en somme (Proust encore). Huguenin (beau en plus !) plaisait, mais ne se plaisait guère, d’où la force de sa littérature.( ici photo aux éditions du Seuil ?)

Huguenin a beau être mort, il vit en chacun de ses lecteurs. Rien ne se démode chez lui, pas même un battement de cils devant la femme aimée, pas de chance c’est sa sœur- donc un inceste-, le tout enclos en ces paysages tourmentés -eux aussi- de la « Côte sauvage ».Il y a la France et la Côte sauvage. L’un de plus beaux endroits du monde. Peu d’auteurs parviennent à égaler cette respiration stylistique de Huguenin, la perfection du récit, car l’éternel jeune homme en blouson de plage a le regard perçant donc une sacrée voix. On rougit de le rappeler, mais sans voix, il n’y a personne, rien… Sans voix, l’auteur doit éviter la fiction.........

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