THÈME

Deux amies d’enfance nous racontent à leur manière leur entrée dans l’existence d’adulte. L’une nous parle de leur jeunesse, l’autre démarre son récit lorsqu’elle est enceinte. La troisième partie les réunit pour le meilleur et pour le pire.

L’écriture de Marie Darrieussecq est très agréable, rapide, parfois heurtée. La prose est musicale, élégante, réelle, avec des expressions de l’âge de ses personnages, très amusantes et bien modernes.

Les récits des quelques voyages faits par ces jeunes sont souvent épiques. La visite culturelle de Madrid vaut son pesant d’or, le séjour à Londres est gratiné et la description du tremblement de terre à Los Angeles nous donne envie de rester bien au chaud chez nous !

On sent manifestement que l’auteur a fait des études de psychologie : les caractères de chacun sont décortiqués de façon chirurgicale, il y a une recherche d’explication systématique au moindre comportement ; tout cela sent le divan. Forcément, chaque chose a un sens.

Une morale se dessine : les meilleures amies d’enfance ne font pas forcément les meilleures amies lorsqu’elles sont adultes. Ce qui les rapprochait autrefois a tendance par la suite à les séparer. L’une va opter pour une existence plutôt classique, avec études (surprise : études de psychologie !), mariage et enfants. L’autre, nettement plus fantasque, va vouloir être actrice. La divergence de centres d’intérêt est ici bien stigmatisée.

La vie amoureuse de Rose et son mariage avec Christian, sans passion, sans gaieté, sans enthousiasme, ne donne pas envie de l’imiter et de convoler dans des conditions pareilles.

Il y a un fond de tristesse dans la partie décrivant l’existence de Solange, avec ses dérapages, ses désillusions, cet espoir en permanence déçu. L’insouciance propre à la jeunesse a complètement disparu. Mais elle y croit et elle est encore jeune. Tout n’est pas perdu. C’est une belle étude sur deux jeunes filles qui abordent la vie d’adulte de façon contrastée, sous le soleil de la côte basque.

[La sagesse du père de Rose P. 93 ]

- « Qu’est-ce qui te plait chez ton Christian ?
- Sa poésie.
- Ce qui te plaît aujourd’hui, c’est ce pour quoi tu le quitteras demain.
- Papa !
- La poésie au quotidien, c’est un mec perché et une femme qui trime.
- Te voilà bien féministe.
- Je n’ai pas élevé ma fille pour qu’elle épouse Arthur Rimbaud. »

Marie Darrieussecq (1969 Bayonne), normalienne, est à la fois écrivain, traductrice et psychanalyste (depuis 2006). Son premier roman Truisme en 1996 a été un succès mondial. En 2013, elle a reçu le prix Médicis pour son roman Il faut beaucoup aimer les hommes. Auteur d’une vingtaine de romans, elle a publié cette année Fabriquer une femme.

QOSHE - Romans : "Fabriquer une femme". Une belle étude psychologique de deux amies d’enfance - Anne-Marie Joire-Noulens
menu_open
Columnists Actual . Favourites . Archive
We use cookies to provide some features and experiences in QOSHE

More information  .  Close
Aa Aa Aa
- A +

Romans : "Fabriquer une femme". Une belle étude psychologique de deux amies d’enfance

9 0
25.03.2024

THÈME

Deux amies d’enfance nous racontent à leur manière leur entrée dans l’existence d’adulte. L’une nous parle de leur jeunesse, l’autre démarre son récit lorsqu’elle est enceinte. La troisième partie les réunit pour le meilleur et pour le pire.

L’écriture de Marie Darrieussecq est très agréable, rapide, parfois heurtée. La prose est musicale, élégante, réelle, avec des expressions de l’âge de ses personnages, très amusantes et bien modernes.

Les récits des quelques voyages faits par ces jeunes sont souvent épiques. La visite culturelle de Madrid vaut son pesant d’or, le séjour à Londres est gratiné et la description du tremblement de terre à Los Angeles nous donne........

© atlantico


Get it on Google Play