Alors que l’inflation reste à un niveau élevé, le chiffre d’affaires de la franchise continue de progresser en France. En effet, elle affiche un chiffre d’affaires de 76,6 milliards d’euros en 2022 contre 68,8 milliards d’euros en 2021. Les réseaux de franchise ont d’ailleurs su fait preuve de résilience face à la récente crise du Covid-19 et ont un taux d’échec plus faible que d’autres types d’organisation (Neise et al., 2021).

La franchise est une relation commerciale inter-entreprises contractuelle nouée entre un franchiseur et un / des franchisé.s. Cette forme d’entreprise possède un mode d’organisation en réseau qui permet une croissance rapide grâce à la réplication d’un savoir-faire et à une standardisation de l’offre et des processus (Gorovaia, 2017). Cependant, même si son chiffre d’affaires progresse, le modèle doit tout de même s’adapter face à la flambée générale des prix.

Depuis l’été 2021, la France connait une inflation qui ne fait qu’augmenter passant de 1,5% à 6,8% entre juillet 2021 et juillet 2022 (Chiffres vie-publique.fr). Pour répondre à ces nouvelles contraintes économiques, le franchiseur peut notamment développer des capacités dynamiques managériales fortes afin d’accompagner son réseau. Les capacités dynamiques managériales sont définies comme « les capacités avec lesquelles les managers construisent, intègrent et reconfigure les ressources et compétences organisationnelles » (Adner et Helfat, 2003, p. 1012). Ce sont les franchiseurs qui vont mettre en œuvre ces capacités dynamiques managériales car ce sont les acteurs clés du réseau. En effet, ils sont les créateurs et garants du concept. Ils sont également responsables de la prise de décisions stratégiques et de l’évolution du savoir-faire.

Les capacités dynamiques managériales se décomposent en trois mécanismes sous-jacents : (1) le capital humain managérial, (2) le capital managérial social et (3) la cognition managériale (Adner et Helfat, 2003). Mais comment utiliser ces mécanismes dans la vie opérationnelle du réseau pour faire face à l’inflation ?

1) Le capital humain managérial correspond à l’expérience acquise et aux capacités développées par les managers au cours de leurs études ou expériences professionnelles diverses. Par exemple, les franchiseurs peuvent s’appuyer sur leur expérience développée à l’occasion de la crise du Covid-19. Certains franchiseurs ont facilité la compréhension des dispositifs d’aides mis en place par l’État en mettant à disposition des fiches explicatives pour leurs franchisés. Au regard de la situation actuelle, ce dispositif pourrait être renouvelé, notamment pour l’énergie. Certains secteurs énergivores sont particulièrement touchés par la hausse des prix comme les restaurants ou les boulangeries.

2) Le capital social managérial reflète les liens sociaux du manager. Ces relations sociales peuvent permettre l’accès à des ressources et peuvent aussi faciliter le transfert d’informations. L’accès à une grande diversité d’informations fournies par le capital social du franchiseur permet également d’améliorer le processus de prise de décision. Par exemple, pour accompagner leurs franchisés face à l’augmentation générale des prix de l’énergie et des matières premières, les franchiseurs peuvent par exemple renégocier leurs contrats avec les fournisseurs du réseau. En effet, le franchiseur bénéficie d’une position plus forte qu’un indépendant et pourra maintenir plus facilement les marges de ses franchisés. C’est à ce moment précis que le capital social du franchiseur est important. Les relations qu’il aura développées avec les partenaires du réseau pourront notamment lui permettre de réussir plus facilement une renégociation de contrat, qu’un franchisé qui agirait seul. D’ailleurs, d’après l’entretien d’Olga Renaud dans Franchise Magazine, c’est au franchiseur de « négocier les prix de ces éléments aux meilleures conditions, comme il doit le faire pour tout l’approvisionnement d’ailleurs ». De plus, la forme inter-organisationnelle du réseau permet non seulement l’échange de connaissances mais également la création d’un lien social, qui peut être utile lors de ce type de renégociation.

3) La cognition managériale fait référence aux modèles mentaux, aux croyances, valeurs ainsi qu’aux émotions utilisées par les managers dans la prise de décision (Eggers et Kaplan, 2013). Les managers, face à une grande quantité d’informations diverses, vont mobiliser ces éléments pour anticiper les changements du marché. Le dirigeant de la Mie Câline, David Giraudeau a déclaré dans le magazine L’express franchise et commerce associé vouloir « tenir la promesse consommateur en ne modifiant ni la qualité du produit ni la qualité de l’accueil ». Ainsi, la franchise n’a augmenté ses tarifs que de 10% en 2022. Les franchiseurs peuvent donc essayer d’ajuster leurs prix, même s’il faut prendre sur les marges afin de conserver l’image de la marque. Cependant, l’une des solutions reste d’augmenter le prix le vente lorsque les taux de marges ne permettent plus d’absorber le taux de l’inflation.

Les trois mécanismes présentés ci-dessus sont mobilisées de façon interdépendante par les franchiseurs. Par exemple, la cognition managériale peut influencer le développement du capital humain managérial en modifiant la recherche et l’absorption d’informations tout au long de l’expérience professionnelle, de la formation et de l’éducation. La cognition managériale a également un impact sur la manière dont les managers utilisent et interprètent l’information. Ces capacités dynamiques managériales permettent de créer régulièrement de nouvelles ressources et compétences qui sont ensuite diffusées aux franchisés. Il est donc essentiel pour le franchiseur de travailler ces trois mécanismes afin de pouvoir développer des capacités dynamiques managériales fortes, qui lui permettront de répondre aux nouveaux enjeux rencontrés par le réseau.

La relation franchiseur-franchisé est également un élément à prendre en compte. En période de turbulence, les franchiseurs peuvent prendre des décisions rapidement, laissant certains franchisés sceptiques. Le franchiseur doit alors être capable de convaincre ses franchisés de mettre en place les adaptations proposées. La confiance est alors un élément mutuel clé. Les franchisés doivent avoir confiance dans les capacités du franchiseur à développer des stratégies qui permettront de garder un avantage concurrentiel mais le franchiseur doit également faire confiance aux franchisés pour l’intégration des adaptations locales. Cette confiance est d’autant plus importante lorsque l’engagement financier des franchisés est conséquent.

Malgré les incertitudes portées pour la fin de l’année 2023, il faut noter que les adaptations proposées par les franchiseurs répondent également à une évolution normale du savoir-faire. Le franchiseur, garant du savoir-faire, doit s’assurer de faire évoluer ce dernier notamment pour répondre aux différentes évolutions du marché, pour rester compétitif et ainsi éviter l’obsolescence du réseau.

Références

Adner, Ron, Constance E. Helfat (2003), Corporate effects and dynamic managerial capabilities. Strategic management journal, 24.10: 1011-1025.

Eggers, Jamie P., Sarah Kaplan (2013), Cognition and capabilities: A multi-level perspective. The Academy of management annals, 7.1: 295-340.

Gorovaia, Nina (2017), 12. Knowledge transfer in franchising. Handbook of Research on Franchising, 234.

Neise, Thomas, Philip Verfürth, Martin Franz (2021), Rapid responding to the COVID-19 crisis: Assessing the resilience in the German restaurant and bar industry. International Journal of Hospitality Management, 96: 102960.

https://www.franchise-magazine.com/ouvrir-une-franchise/cout-de-franchise/inflation-prix-matieres-premieres-conseils-experts-avril-2023

https://franchise.lexpress.fr/articles/la-franchise-face-a-linflation/

A propos de l’auteure

Alexandra Burlaud est titulaire d’un Doctorat en Sciences de Gestion, délivré en 2022 par l’Université de Caen. La thèse portait sur les capacités dynamiques dans les réseaux de franchise. Actuellement Maître de conférences à l’Université Paris Dauphine, elle travaille sur les capacités dynamiques, les réseaux de franchise ainsi que la plateformisation de l’économie et ses conséquences sur les territoires et les politiques publiques.

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La franchise condamnée par l’inflation ? La force du management des réseaux

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24.11.2023

Alors que l’inflation reste à un niveau élevé, le chiffre d’affaires de la franchise continue de progresser en France. En effet, elle affiche un chiffre d’affaires de 76,6 milliards d’euros en 2022 contre 68,8 milliards d’euros en 2021. Les réseaux de franchise ont d’ailleurs su fait preuve de résilience face à la récente crise du Covid-19 et ont un taux d’échec plus faible que d’autres types d’organisation (Neise et al., 2021).

La franchise est une relation commerciale inter-entreprises contractuelle nouée entre un franchiseur et un / des franchisé.s. Cette forme d’entreprise possède un mode d’organisation en réseau qui permet une croissance rapide grâce à la réplication d’un savoir-faire et à une standardisation de l’offre et des processus (Gorovaia, 2017). Cependant, même si son chiffre d’affaires progresse, le modèle doit tout de même s’adapter face à la flambée générale des prix.

Depuis l’été 2021, la France connait une inflation qui ne fait qu’augmenter passant de 1,5% à 6,8% entre juillet 2021 et juillet 2022 (Chiffres vie-publique.fr). Pour répondre à ces nouvelles contraintes économiques, le franchiseur peut notamment développer des capacités dynamiques managériales fortes afin d’accompagner son réseau. Les capacités dynamiques managériales sont définies comme « les capacités avec lesquelles les managers construisent, intègrent et reconfigure les ressources et compétences organisationnelles » (Adner et Helfat, 2003, p. 1012). Ce sont les franchiseurs qui vont mettre en œuvre ces capacités dynamiques managériales car ce sont les acteurs clés du réseau. En effet, ils sont les créateurs et garants du concept. Ils sont également responsables de la prise de décisions stratégiques et de l’évolution du savoir-faire.

Les capacités dynamiques managériales se décomposent en trois mécanismes sous-jacents : (1) le capital humain managérial, (2) le capital managérial social et (3) la cognition managériale (Adner et Helfat, 2003). Mais comment utiliser ces mécanismes dans la vie opérationnelle du réseau pour faire face à l’inflation ?

1) Le capital humain managérial correspond à........

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